Changer d’assurance emprunteur est devenu un levier majeur pour réduire le coût d’un crédit immobilier. Depuis la loi Lemoine, chaque emprunteur peut remplacer son assurance à tout moment, sans attendre une échéance annuelle ni justifier de circonstances particulières. Cette démarche peut permettre des centaines voire des milliers d’euros d’économies sur le prix total de l’assurance. Une opportunité réelle pour alléger le budget des ménages… à condition que le changement soit parfaitement sécurisé.
Car derrière les avantages financiers, un risque persiste : le fameux trou de garanties, cette zone d’ombre pendant laquelle ni l’ancien contrat ni le nouveau ne couvrent l’emprunteur en cas de sinistre. Comprendre ce phénomène et savoir comment l’éviter est essentiel pour changer d’assurance sans mettre en péril la protection du crédit immobilier.
Changement d’assurance emprunteur et équivalence des garanties : un cadre protecteur… mais insuffisant
Que ce soit dans le cadre d’une délégation lors de la souscription initiale ou du changement d’assurance emprunteur en cours de prêt, la réglementation impose que toute nouvelle assurance présentée à la banque affiche un niveau de garanties au moins équivalent à celui du contrat initial.
Ce principe est conçu pour protéger l’emprunteur contre une dégradation de sa couverture. En théorie, une telle règle devrait éliminer tout risque. En pratique, cependant, elle n’empêche pas la survenue de situations dangereuses.
En effet, même si la banque valide le remplacement, cela ne garantit pas que les 2 contrats se superposent parfaitement. Les conditions d’application des garanties (délais d’attente, franchises, exclusions spécifiques) peuvent être radicalement différentes. C’est précisément à cet endroit que naissent les trous de garanties.
Qu’est-ce qu’un trou de garanties dans l’assurance emprunteur ?
Un trou de garanties correspond à une période pendant laquelle aucun des 2 contrats, ni l’ancien, ni le nouveau, ne prend en charge un sinistre. Cela se produit lorsque :
- le nouveau contrat ne couvre pas encore l’événement (carence, franchise) ;
- l’ancien ne couvre plus parce qu’il a été résilié ;
- le sinistre survient à un moment charnière entre les 2 assurances ;
- l’une des assurances exclut la situation médicale ou professionnelle à l’origine du sinistre.
Comme le résume le Médiateur de l’assurance, beaucoup d’emprunteurs pensent, à tort, qu’une fois le changement validé par la banque, leur couverture reste identique. Or les modalités d’application des garanties peuvent bouleverser totalement la continuité de la protection.
Le cas typique de trou de garantie : un sinistre juste avant ou juste après le changement
L’exemple le plus courant est celui de l’emprunteur qui subit un arrêt de travail quelques jours avant la mise en place du nouveau contrat.
Dans cette situation :
- L’ancien assureur considère que le sinistre est assujetti à un délai de carence ou que la résiliation du contrat empêche toute indemnisation ultérieure.
- Le nouvel assureur, de son côté, affirme que le sinistre est antérieur à la prise d’effet des garanties d’assurance de prêt de son propre contrat.
Résultat : l’emprunteur se retrouve sans indemnité, alors même qu’il pensait avoir fait les choses dans les règles.
Une telle faille peut mettre en péril le remboursement du crédit, notamment si la mensualité est élevée ou si l’arrêt de travail se prolonge.
Délai de carence en assurance emprunteur : un facteur de risque encore mal compris
Le délai de carence en assurance emprunteur représente l’un des principaux dangers lors d’un changement de contrat.
Il s’agit d’une période, généralement de plusieurs mois, durant laquelle certaines garanties ne s’appliquent pas encore, même si le contrat a officiellement commencé. Ce mécanisme s’observe le plus souvent sur la garantie perte d’emploi, mais il peut aussi exister sur :
- l’ITT (incapacité temporaire totale de travail)
- l’invalidité permanente totale ou partielle (IPT ou IPP).
Toutefois, tous les contrats ne prévoient pas de carence, mais certains le font, y compris sur des garanties essentielles. Un emprunteur peut donc se retrouver dans une situation paradoxale : couvert « officiellement », mais pas réellement indemnisable en cas de problème de santé.
Avec l’ancien contrat, il aurait potentiellement été pris en charge ; avec le nouveau, il ne peut pas encore l’être. Ce décalage crée un trou de garantie qui empêche toute indemnisation.
Exclusions liées aux pathologies préexistantes : un piège rare mais possible
Certains contrats d’assurance emprunteur excluent des maladies ou affections dont les premiers symptômes ont été constatés avant la souscription. Lors d’un changement d’assurance, cela peut poser problème si un trouble de santé apparaissant avant la transition évolue après celle-ci.
Dans ce cas, un nouvel assureur peut refuser d’indemniser l’emprunteur sous prétexte que la pathologie existait déjà avant l’entrée en vigueur du contrat.
Pour autant, cette situation reste très exceptionnelle. En effet, exclure une pathologie préexistante quand aucun questionnaire de santé d’assurance de prêt n’a été réalisé serait contraire au cadre légal.
Pour rappel, la loi Lemoine supprime le questionnaire médical pour toute part assurée d’un montant inférieur ou égale à 200 000€ et remboursée avant les 60 ans de l’emprunteur.
Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) et France Assureurs travaillent d’ailleurs sur une clarification de ce point, même si aucune communication officielle n’a encore été faite.
Comment éviter les trous de garanties lors d’un changement d’assurance emprunteur ?
Pour protéger son crédit et éviter toute faille de couverture, plusieurs précautions sont indispensables.
1. Ne jamais résilier l’ancien contrat avant validation écrite du nouveau
La règle d’or est simple : la résiliation ne doit être faite qu’après réception du certificat d’adhésion d’assurance de prêt au nouveau contrat et validation définitive par la banque.
Cela empêche tout vide juridique entre 2 dates.
2. Vérifier l’existence de délais de carence ou de franchises différentes
Il est crucial de comparer :
- les franchises ITT (souvent 90 ou 180 jours)
- les carences éventuelles avant activation des garanties.
Un courtier en assurance emprunteur peut réaliser cette analyse pour éviter une mauvaise surprise.
3. Examiner les exclusions du nouveau contrat
Même si les exclusions sur les pathologies anciennes sont rares, mieux vaut vérifier toutes les restrictions :
- les sports exclus
- les affections non prises en charge
- les limites concernant les métiers à risques.
4. Harmoniser les dates d’effet
L’idéal est de coordonner les 2 contrats pour qu’ils se chevauchent légèrement, de sorte qu’aucune période ne soit découverte.
5. Faire appel à un expert indépendant
Le rôle d’un courtier en assurance emprunteur est de :
- analyser les garanties actuelles
- évaluer la pertinence du changement
- sécuriser les démarches auprès de la banque
- vérifier l’équivalence légale.
Un changement d’assurance emprunteur qui reste très avantageux… à condition d’être rigoureux
Le remplacement d’une assurance emprunteur constitue aujourd’hui l’un des leviers les plus efficaces pour réduire le coût d’un crédit immobilier. Les économies potentielles sont réelles, et la loi Lemoine facilite cette transition.
Mais cette liberté s’accompagne d’une responsabilité : celle de garantir une continuité parfaite entre les 2 contrats. Le moindre trou de garanties peut entraîner la perte d’une prise en charge essentielle en cas de maladie, d’invalidité ou d’incapacité temporaire de travail.
En préparant correctement le changement, en vérifiant les délais, en anticipant les exclusions et en s’appuyant sur un expert si nécessaire, il est possible de réaliser des économies substantielles tout en conservant une protection optimale.