La Convention AERAS (S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) vise à faciliter l’accès au crédit immobilier ou professionnel des personnes présentant un risque de santé. Pourtant, le rapport annuel 2024 de sa Commission de médiation, publié en mai 2025, révèle une réalité préoccupante : dans près de deux tiers des cas, les demandes recevables concernaient un refus d’assurance de prêt. Retour en détail sur ce bilan, les chiffres clés et les enjeux.
Qu’est-ce que la commission de médiation AERAS ? Rôle et fonctionnement
Un organisme au service des emprunteurs fragilisés
La Commission de médiation AERAS a pour mission d’examiner les réclamations déposées par des emprunteurs dont la demande d’assurance a été refusée ou jugée non conforme aux engagements de la Convention. Elle intervient lorsqu’un candidat au crédit immobilier ou professionnel estime que son état de santé conduit à une exclusion ou à des conditions inadaptées.
Une procédure amiable et rapide
La médiation permet de rechercher une solution amiable entre l’assureur, la banque et l’emprunteur. Elle intervient notamment sur :
- les contestations de refus d’assurance de prêt
- les litiges liés au droit à l’oubli ou à la grille de référence AERAS
- les désaccords sur les surprimes ou exclusions.
L’objectif est de garantir un traitement équitable, dans des délais compatibles avec l’achat d’un bien immobilier.
Un volume de saisines en forte hausse en 2024
Plus de 270 courriers reçus
En 2024, la Commission a été saisie 273 fois, contre 148 en 2023, soit une hausse de 84 %. Cette augmentation est attribuée à deux facteurs majeurs :
- la reprise du marché immobilier stimulée par la baisse des taux,
- la mise en ligne en avril 2024 d’un formulaire de contact accessible sur le site officiel de la Convention.
Ce canal numérique a rencontré un grand succès puisqu’il représente 67 % des saisines.
Un taux de recevabilité de 45 %
Parmi les demandes, 45 % ont été jugées recevables. En neutralisant les dossiers sans suite, ce taux atteint même 50 %, ce qui traduit une certaine pertinence des réclamations déposées.
Refus d’assurance : premier motif de contestation
64 % des demandes recevables concernent un refus
Le rapport souligne que la première cause de saisine reste le refus d’assurance (niveaux 1, 2 ou 3). Ce motif représente :
- 29 % de l’ensemble des saisines
- mais surtout 64,5 % des demandes recevables, contre 56 % en 2023.
Ce chiffre illustre la difficulté persistante des personnes à risque aggravé de santé pour accéder à l’assurance emprunteur, malgré le cadre protecteur de la Convention.
Les autres motifs fréquents
- Demandes hors champ AERAS : 19 % des saisines, souvent liées à des sinistres non couverts.
- Courriers adressés par erreur : 15 % des demandes.
- Litiges liés au droit à l’oubli ou à la grille de référence : 11 % des saisines, mais 25 % des demandes recevables.
Des délais de traitement en nette amélioration
Une réduction des temps de réponse
Le rapport souligne un délai moyen de réponse de 4 jours en 2024, contre 7 jours en 2023. Pour les dossiers nécessitant une véritable médiation avec les banques ou assureurs, le délai est de 23 jours en moyenne (contre 19 en 2023).
Une exigence liée au marché immobilier
Ces délais courts sont essentiels pour respecter le calendrier d’un achat immobilier. La Commission insiste sur les efforts réalisés par les professionnels pour répondre rapidement et permettre la conclusion des projets.
Les médiations : un dispositif globalement bien appliqué
124 demandes recevables traitées
En 2024, sur les 273 saisines, 124 étaient recevables et ont donné lieu à une analyse approfondie.
Une majorité de dossiers conformes à la Convention
- 87 % des médiations ont confirmé que les assureurs et banquiers avaient appliqué correctement la Convention.
- Dans 13 % des cas, la médiation a permis d’obtenir une satisfaction totale ou partielle pour l’emprunteur.
Ces chiffres traduisent une meilleure appropriation du dispositif par les acteurs financiers, mais aussi la persistance de situations problématiques, notamment liées aux refus d’assurance.
Les saisines non recevables : des demandes hors périmètre
Plus de la moitié des saisines concernées
En 2024, 55 % des demandes n’étaient pas recevables, en légère hausse par rapport à 2023.
Parmi elles :
- 34 % portaient sur des demandes hors objet (refus de prise en charge de sinistre, contestation de prêt…), réorientées vers la Banque de France ou la médiation de l’assurance.
- 28 % étaient des erreurs d’adresse.
- 22 % concernaient des contestations d’exclusions ou de surprimes assurance emprunteur.
- 16 % étaient classées sans suite, faute de réponse du demandeur après plusieurs relances.
Les évolutions marquantes de 2024
Extension aux prêts professionnels
Une avancée importante a été réalisée : les prêts professionnels pour l’acquisition de fonds de commerce composés uniquement de biens immatériels sont désormais couverts par la Convention AERAS.
Vers une clarification du droit à l’oubli
Suite à la modification du document d’information en novembre 2023, un groupe de travail a été créé pour traiter les difficultés liées aux maladies générant des séquelles après un cancer éligible au droit à l’oubli. Ses conclusions sont attendues en 2025.
Rappelons que le droit à l’oubli a été amélioré en 2022 suite à l’adoption de la loi Lemoine :
- Le délai est désormais de 5 ans et non plus 10, après la fin du protocole thérapeutique et en l’absence de rechute.
- Le dispositif a été étendu à l’hépatite virale C.
Tableau récapitulatif des chiffres clés de la Convention Aeras (2024)
Indicateurs |
Chiffres 2024 |
Évolution par rapport à 2023 |
Nombre total de saisines |
273 courriers |
+84 % (148 en 2023) |
Part des saisines via le formulaire en ligne |
67 % |
Nouveau canal en 2024 |
Taux de recevabilité |
45 % (50 % hors dossiers sans suite) |
Stable |
Refus d’assurance (motif principal) |
64,5 % des demandes recevables |
+8,5 points (56 % en 2023) |
Droit à l’oubli et grille de référence |
25 % des demandes recevables |
+6 points (19 % en 2023) |
Saisines non recevables |
55 % |
+2 points |
Délai moyen de réponse |
4 jours (23 jours en cas de médiation) |
Amélioration (7 jours en 2023) |
Taux de conformité des dossiers (application correcte de la Convention) |
87 % |
+1 point
|
Taux de satisfaction pour les emprunteurs (médiations abouties) |
13 % |
Stable |
Convention AERAS : enjeux et perspectives
Un dispositif encore perfectible
Si la médiation confirme que le dispositif AERAS est globalement bien appliqué, les 64 % de refus d’assurance montrent qu’un grand nombre d’emprunteurs reste confronté à des obstacles majeurs.
Des pistes d’amélioration
- Renforcer la pédagogie auprès des candidats à l’assurance.
- Clarifier les conditions du droit à l’oubli.
- Favoriser une plus grande transparence des assureurs.
Une vigilance nécessaire pour 2025
L’année 2025 sera déterminante, notamment avec la publication des travaux sur le droit à l’oubli. La Commission de médiation continuera de jouer son rôle de régulateur pour s’assurer que la Convention AERAS reste un outil de justice et d’équité pour les emprunteurs fragilisés par la maladie.
Conclusion
Le rapport 2024 de la Commission de médiation AERAS met en lumière une hausse significative des saisines et un refus d’assurance dans près de deux tiers des demandes recevables. Si les délais de traitement et la qualité de la médiation progressent, les difficultés liées au refus d’assurance et à l’application du droit à l’oubli montrent que le chemin reste long pour un accès pleinement équitable à l’assurance emprunteur.