Crédit immobilier et intérim : mission impossible ?
Trouver un crédit immobilier en intérim peut sembler mission impossible sans CDI… Pourtant, de plus en plus d’intérimaires parviennent à financer leur projet d’achat grâce à un dossier stratégique, des banques adaptées et certaines aides spécifiques.
Revenus variables, ancienneté en mission, apport personnel, co-emprunteur ou dispositifs comme le PTZ : plusieurs leviers permettent de convaincre un prêteur et d’obtenir son prêt immobilier même en statut intérimaire.
Pourquoi les banques rechignent à prêter aux intérimaires ?
L’intérim reste perçu comme un risque. Ce n’est pas forcément une question de mauvaise foi, mais de grille de lecture. Pour une banque, un crédit immobilier implique des mensualités fixes pendant 15 à 25 ans. Et face à des revenus jugés “discontinus”, la prudence prend souvent le dessus.
Même une activité régulière ne suffit pas toujours à effacer l’inquiétude liée aux “trous” entre deux missions.
Quelques chiffres pour comprendre ce frein :
- 70 % des missions d’intérim durent moins d’un mois,
- 1 intérimaire sur 3 travaille moins de 6 mois par an,
- Les revenus mensuels peuvent varier de plus de 30 % selon les périodes.
Pour les banques, cette volatilité rend difficile la projection d’un plan de remboursement stable. Or, dans un système dominé par le scoring automatisé, ce qui ne rentre pas dans la case est souvent écarté d’emblée.
Des règles conçues pour les CDI… pas pour vous
Les outils d’évaluation utilisés par les banques, grilles internes, scoring automatisé, ratios d’endettement, ont été pensés selon le profil de l’emprunteur : salariés en CDI, temps plein, revenus stables.
Résultat ? Même un intérimaire actif, bien rémunéré, avec un bon historique bancaire, peut se retrouver pénalisé. Pourquoi ? Parce qu’il ne coche pas la case “emploi permanent”. Le CDI reste, pour beaucoup d'établissements, la norme implicite de “fiabilité”.
Un statut encore mal compris
L’image de l’intérim reste marquée par la précarité. Aux yeux de certains prêteurs, c’est un choix par défaut, un “entre-deux” avant un “vrai” emploi. Une perception souvent injuste… mais persistante.
Et si, en plus, vous êtes jeune, sans apport ou dans un secteur jugé instable ? Votre dossier est d’autant plus fragile, même avec des revenus corrects.
Quels atouts mettre en avant en tant qu’intérimaire pour obtenir un crédit immobilier ?
On parle souvent des freins bancaires, mais il faut aussi regarder ce qui joue pour vous. En effet, depuis quelques années, le regard porté sur l’intérim commence, doucement, à évoluer. Dans certains cas, il peut même devenir un argument de stabilité, à condition de bien présenter son dossier.
L’intérim se professionnalise : un vrai levier à faire valoir
Longtemps perçu comme un emploi “par défaut”, l’intérim est désormais un mode d’organisation du travail à part entière, surtout dans les secteurs en tension. Techniciens spécialisés, logisticiens, préparateurs de commandes, aides-soignants : ces profils enchaînent des missions longues, souvent dans les mêmes entreprises ou les mêmes bassins d’emploi.
Chiffres à retenir :
- 55 % des intérimaires restent dans le même secteur pendant plus de 12 mois,
- 21 % sont rappelés en mission dans le mois suivant la précédente,
- Dans l’industrie, la logistique et le BTP, la part de missions de plus de 3 mois est en nette progression depuis 2020.
La continuité sectorielle est un argument puissant. Elle montre que vous êtes reconnu, réemployé et que votre expertise est recherchée. Des éléments que vous pouvez et devez valoriser dans votre dossier.
Des banques commencent à assouplir leurs critères
La bonne nouvelle ? Certaines banques évoluent. Lentement, certes, mais sûrement. Coopératives, régionales ou en ligne, elles sont quelques-unes à sortir des grilles classiques du CDI pour évaluer un dossier de manière plus contextuelle.
Ce qu’elles regardent désormais de plus près :
- Une ancienneté de 18 à 24 mois dans le même secteur ou la même entreprise,
- Un revenu moyen lissé sur 12 mois, au lieu d’un seul bulletin variable,
- Une gestion bancaire rigoureuse : pas de découverts, pas de rejets, épargne régulière.
À profil égal, ce n’est pas le type de contrat qui fera la différence, mais la cohérence et la solidité globale du dossier.
Une logique de “compensation” de plus en plus acceptée
De nombreuses banques appliquent aujourd’hui une approche dite “compensatoire” :
- Pas de CDI ? D’accord. Mais avez-vous un apport ≥ 10 % ?
- Revenus variables ? Ok. Mais sont-ils réguliers sur 12 mois ?
- Pas de fiche de paie classique ? Montrez des relevés bancaires stables, une épargne de précaution, une lettre de l’agence d’intérim…
Ce raisonnement n’est pas encore la norme, mais il gagne du terrain, notamment dans les établissements ouverts à une analyse humaine ou personnalisée.
Quels sont les 4 piliers d’un dossier de crédit immobilier solide quand on est intérimaire ?
Pas besoin de CDI pour rassurer une banque. Il faut simplement prouver sa stabilité autrement. Et ça tombe bien : un bon dossier, ce n’est pas (que) du papier. C’est une histoire cohérente, des chiffres solides et une vraie capacité d’anticipation.
Voici les 4 éléments clés que les banques et les courtiers examinent en priorité.
1. Une ancienneté significative et continue
C’est l’équivalent, pour un intérimaire, d’un CDI bien rempli.
Objectif : montrer que vous êtes en activité régulière, sur une durée suffisamment longue pour être considéré comme professionnellement stable.
Ce qu’on attend généralement :
- 18 à 24 mois d’activité sans trou majeur,
- Un rythme de missions cohérent dans le même secteur,
- Idéalement : être en mission au moment de la demande ou avoir une mission à venir signée.
D’après l’Observatoire de l’intérim (2023), les profils en intérim quasi continu ont 3 à 4 fois plus de chances d’être acceptés en crédit, à condition d’avoir un peu d’apport.
Ce qu’il faut fournir :
Pièce jointe |
Utilité |
Liste des missions (24 mois) |
Montrer régularité et engagement |
Fiches de paie / contrats |
Justifier revenus |
Attestation de votre agence |
Confirmer la fréquence d’emploi |
Contrat en cours ou à venir |
Prouver une stabilité immédiate |
2. Un apport personnel significatif
En dessous de 10 %, le dossier devient fragile. L’apport personnel lors d’un crédit est un signal fort envoyé à la banque : il réduit le montant du prêt et prouve que vous êtes capable d’épargner malgré des revenus variables. En France, l’apport moyen pour un primo-accédant est de :
- 55 000 € en moyenne,
- Jusqu’à 80 000 € pour les profils atypiques (intérim, chômage, expatriés…), car les banques exigent plus de garanties.
À quoi sert l’apport ?
- Financer les frais de notaire, de dossier, de garantie,
- Diminuer la mensualité,
- Améliorer votre score de solvabilité.
Un apport peut venir d’une épargne constituée, d’un don familial, ou d’un héritage. Il doit toujours être justifié (relevés de compte, acte notarié, attestation de don).
3. Une épargne de précaution disponible
Avoir un apport, c’est bien. Avoir en plus une épargne tampon, c’est encore mieux. Pourquoi c’est crucial ? Parce qu’en intérim, une baisse de revenu temporaire est toujours possible : creux de mission, accident, arrêt maladie... Et la banque veut savoir que vous pouvez continuer à payer même sans rentrée immédiate.
Montant recommandé :
Entre 3 à 6 mensualités de crédit, soit :
Mensualité envisagée |
Épargne conseillée |
700 €/mois |
2 100 € à 4 200 € |
1 000 €/mois |
3 000 € à 6 000 € |
Supports à privilégier :
- Livret A,
- LDDS (développement durable),
- Compte sur livret classique (liquide, non risqué).
Ne sont pas considérés comme “mobilisables” :
- Assurance-vie avec délai de retrait,
- PEL plafonné,
- Cryptomonnaies ou actions (trop volatiles),
- Compte-titres spéculatif.
4. Une gestion bancaire irréprochable
C’est LE point non négociable. Vos relevés bancaires sont votre miroir. Pendant 3 à 6 mois, tout sera scruté : découverts, rejets, crédits à la consommation… Une trace suffit parfois à faire basculer un dossier. Ce que la banque veut voir :
Comportement bancaire |
Appréciation |
Aucun découvert |
Très favorable |
Solde positif ou stable |
Rassurant |
0 rejet de prélèvement |
Obligatoire |
Crédits conso < 10 % revenus |
Acceptable |
Aucun crédit conso |
Idéal |
Le co-emprunteur : un levier souvent sous-estimé pour les intérimaires
Quand on est intérimaire, le co-emprunt peut changer la donne. Ce n’est pas une solution de secours, mais une stratégie solide pour renforcer son dossier, rassurer la banque et accéder à un projet plus ambitieux. Ce que la banque veut, c'est la sécurité. Ajouter un co-emprunteur en CDI, c’est ajouter un filet de protection.
Qui peut co-emprunter avec vous ?
Bonne nouvelle : vous n’avez pas besoin d’être marié·e ou pacsé·e pour emprunter à deux. Le cadre juridique français est souple sur ce point. Vous pouvez co-emprunter avec :
- Un·e conjoint·e (peu importe le régime matrimonial),
- Un parent (fréquent chez les jeunes actifs),
- Un frère ou une sœur,
- Un ami ou une personne de confiance,
- Un investisseur privé (plus rare, hors cadre familial).
En revanche, attention : co-emprunter, c’est s’engager ensemble à rembourser la totalité du prêt. En cas de défaut de l’un, la banque peut se retourner contre l’autre sans distinction.
Confiance, clarté et contrat
Avant de signer quoi que ce soit, il est crucial de discuter de la répartition des mensualités et de la propriété, de faire acter les parts de chacun dans l’acte notarié et d’envisager des clauses de sortie en cas de séparation ou de désaccord (notamment en indivision).
Outils utiles :
Outil juridique |
Rôle |
Pacte d’indivision (chez notaire) |
Fixe la répartition du bien |
Assurance croisée |
Protège chaque emprunteur en cas de décès |
Clause de rachat préférentiel |
Prévoit le cas de rachat par l’autre co-emprunteur |
Additionner les revenus, réduire les risques
La banque examine le revenu global du foyer pour calculer :
- Le taux d’endettement (plafonné à 35 %),
- Le reste à vivre,
- La capacité d’emprunt maximale.
Par exemple, un intérimaire gagne 1 400 €/mois, un co-emprunteur en CDI gagne 2 600 €/mois. Ensemble : 4 000 €/mois → possibilité d’emprunter jusqu’à 310 000 € sur 20 ans* (*estimation à 3,8 % – hors assurance)
Répartition des mensualités : souple mais engageante
Même si vous n’avez pas les mêmes revenus, vous pouvez :
- Répartir les mensualités selon vos capacités (ex : 60/40, 70/30…),
- Adapter les quotités d’assurance emprunteur (celui qui gagne le plus peut être assuré à 70 %, l’autre à 30 %).
Cela offre une vraie flexibilité, sans pour autant diluer la responsabilité commune.
Pourquoi ça fonctionne ?
Atout du co-emprunt |
Effet concret |
Addition des revenus |
Taux d’endettement plus favorable |
Meilleur scoring global |
Accès à de meilleures conditions |
Partage des charges |
Moins de pression sur l’intérimaire |
Dossier plus robuste |
Réduction du risque perçu par la banque |
Vous augmentez vos chances de décrocher un prêt et de négocier un meilleur taux.
Quelles aides pour les intérimaires qui veulent décrocher un prêt immobilier ?
Être en intérim ne signifie pas être seul face à sa banque. Plusieurs dispositifs d’accompagnement, de financement ou de sécurisation peuvent vous aider à bâtir un projet immobilier plus solide.
Le FASTT : un levier méconnu mais puissant
Le Fonds d’Action Sociale du Travail Temporaire (FASTT) est un organisme créé pour soutenir les intérimaires dans leur vie quotidienne, y compris dans leurs projets de logement. Ce qu’il propose :
Type d’aide |
Ce que ça permet |
Recherche de logement |
Appui pour trouver un logement en location ou en mobilité |
Aide à l’installation |
Avance sans intérêt pour dépôt de garantie, frais de déménagement |
Garantie locative (type Visale) |
Rassurer le bailleur ou le prêteur avec une caution tierce |
Logement temporaire |
Mise à disposition d’hébergements proches du lieu de mission |
Ces aides ne remplacent pas un prêt, mais elles permettent de :
- Stabiliser sa situation résidentielle,
- Préparer sereinement un projet d’achat à moyen terme,
- Rassurer une banque avec un historique locatif propre.
Conditions d’éligibilité :
- Avoir travaillé au moins 414 heures en intérim sur les 12 derniers mois (3 mois environ à temps plein),
- Être en mission ou actif récemment (moins de 30 jours d’inactivité),
- Être sous contrat d’intérim (et non CDI via entreprise utilisatrice).
Le PTZ – Prêt à Taux Zéro
Le Prêt à Taux Zéro est un dispositif public destiné aux primo-accédants (ceux qui n’ont pas été propriétaires depuis au moins 2 ans). Il complète un prêt principal sans générer d’intérêt, ce qui réduit mécaniquement votre coût total.
Avantages :
- Jusqu’à 50 % du montant du projet (selon zone et situation),
- Pas d’intérêts ni de frais de dossier,
- Différé de remboursement possible (5 à 15 ans selon revenus).
Conditions d’accès :
Critère |
Exigence |
Type de bien |
Neuf ou ancien avec travaux ≥ 25 % |
Revenu fiscal de référence |
Sous plafonds selon la zone |
Contrat de travail |
Aucune exigence de CDI, mais solvabilité requise |
Le PAS – Prêt d’Accession Sociale
Le PAS est un prêt conventionné garanti par l’État qui peut financer jusqu’à 100 % du projet, frais de notaire compris.
Ses atouts :
- Aucun apport personnel requis (utile si vous débutez),
- Taux plafonnés et encadrés,
- Peut être accordé à un intérimaire, à condition de prouver sa capacité de remboursement.
Conditions principales :
- Revenu ≤ plafond PTZ,
- Achat de la résidence principale,
- Prêt accordé par un établissement conventionné.
Et du côté des collectivités ?
De nombreuses villes et régions proposent des aides complémentaires :
Zone / Collectivité |
Aide proposée |
Conditions clés |
Paris |
Prêt Paris Logement (jusqu’à 39 600 € à 0 %) |
Achat dans Paris + revenus ≤ plafond |
Toulouse Métropole |
Prime à l’achat dans le neuf (jusqu’à 6 000 €) |
Résidence principale + revenus modestes |
Région Grand Est |
Prêt “1ère clé” (jusqu’à 10 000 € à taux zéro) |
Achat dans communes ciblées |
Ces aides sont souvent compatibles avec l’intérim dès lors que votre situation financière est documentée. N’hésitez pas à consulter le site de votre ville, métropole ou région pour vérifier les dispositifs en vigueur.
Faut-il faire appel à un courtier pour un crédit immobilier en tant qu’intérimaire ?
Quand on est en intérim, le courtier immobilier peut devenir votre meilleur allié. Il ne vend pas de miracle, mais il connaît les règles du jeu bancaire et surtout… comment les contourner intelligemment.
Rôle du courtier |
Ce que ça change pour vous |
Cible les bonnes banques |
Évite les refus automatiques et les pertes de temps |
Reformule le dossier |
Met en valeur vos revenus moyens, votre stabilité sectorielle |
Protège votre score bancaire |
Évite les rejets en cascade qui dégradent votre profil |
Pourquoi ça fonctionne ?
Un courtier sait que certaines banques régionales acceptent les intérimaires avec ancienneté sectorielle et que d’autres préfèrent voir un revenu net moyen plutôt que des fiches de paie irrégulières.
En résumé : vous gagnez en crédibilité, en efficacité… et parfois en taux.
Crédit immobilier en intérim : que faire en cas de refus ?
Un refus n’est jamais agréable. Mais dans 80 % des cas, il ne signifie pas “jamais”, plutôt “pas maintenant”. Ce qui compte, c’est d’identifier le point faible et de savoir comment rebondir.
1. Attendre 3 à 6 mois : une pause stratégique
Un refus lié à un apport trop faible, une gestion de compte perfectible ou un manque d’ancienneté ? Parfois, quelques mois suffisent à redresser la barre.
Ce que vous pouvez faire :
- Enchaîner des missions supplémentaires pour dépasser le seuil des 18 mois d’intérim,
- Épargner un peu plus chaque mois pour viser 10 % d’apport,
- Nettoyer vos comptes bancaires : aucun incident, zéro découvert.
2. Revoir le projet (sans l’abandonner)
Parfois, c’est le projet lui-même qui dépasse vos capacités actuelles. Et ce n’est pas un échec d’en changer : c’est une adaptation. Solutions possibles :
- Réduire le budget (ex. : viser 140 000 € au lieu de 170 000 €),
- Changer de localisation (zone périurbaine, villes secondaires),
- Acheter en indivision avec un proche stable ou un co-emprunteur.
3. Commencer par un investissement locatif
Plutôt que de viser tout de suite sa résidence principale, pourquoi ne pas bâtir un premier investissement locatif ? Acheter un studio ou un petit bien à louer vous permet de générer un revenu locatif (donc de “créditer” votre profil), de prouver à la banque votre capacité à rembourser un prêt et de créer une expérience d’emprunteur réussie.
4. Tester la location-accession
Encore peu connue, la location-accession permet d’entrer dans un logement… tout en préparant son achat.
Le principe :
- Vous louez un bien pendant 1 à 3 ans,
- Chaque mois, vous versez un loyer + une “épargne acquise”,
- À l’issue, vous pouvez lever l’option d’achat à un prix fixé à l’avance.
Idéal si :
- Vous avez des revenus variables,
- Vous n’avez pas encore d’apport suffisant,
- Vous souhaitez tester votre capacité à gérer des mensualités avant d’emprunter.