Taux de crédit immo à la hausse : une manoeuvre bancaire ?
Les médias ont largement relayé la hausse substantielle des taux d'emprunt au début du mois d'avril. Certains courtiers ont fait état d'augmentations moyennes de 20 à 30 points de base. Cet ajustement surprend alors que la distribution du crédit à l'habitat est quasiment à l'arrêt, mais il ne faut pas s'en inquiéter pour la même raison.
Une hausse virtuelle des taux d'intérêt
Depuis la mise en place des mesures d'urgence, les banques fonctionnent au ralenti, au moins pour les activités relatives aux particuliers. Seules les demandes déposées avant l'obligation de confinement sont étudiées, avec des délais allongés pour cause de personnel réduit. Les établissements considèrent également les demandes de report ou de modulation des échéances de prêts en cours pour les clients affectés par les difficultés de remboursement. La priorité économique est le sauvetage des entreprises, et la mise en place des Prêts Garantis par l'État (PGE) sur lesquels sont moblisés les services bancaires. Les banques ont choisi ce moment pour rehausser les conditions d'emprunt immobilier. Selon les courtiers en crédit, les barèmes d'une quinzaine d'enseignements ont été augmenté de 20 à 30 points en moyenne sur toutes les durées, un intermédiaire signale même une variation de 70 points (0,70%). Sur fond de transactions à l'arrêt, la manœuvre peut surprendre, et pourrait hypothéquer une reprise dynamique de l'activité, maintenant qu'une certaine visibilité est permise avec l’annonce de la date de fin du confinement le 11 mai prochain.
Quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu'il a la rage. Dans ce contexte inédit où l'activité immobilière est en pause et les banques somme toute débordées par la priorité donnée aux entreprises qu'elles doivent assumer malgré le manque de salariés, communiquer aux courtiers des taux en hausse permet de dissuader les potentiels emprunteurs. En substance, porteurs de projet immobilier, attendez la reprise effective pour faire votre demande de prêt. Pour le moment, cette hausse des taux d'emprunt n'est pas réelle, car les banques n'accordent plus de nouveaux financement. L'objectif des organismes de crédit est de freiner l'afflux de nouveaux dossiers pendant la période de confinement.
Deux barèmes de taux
Les banques diffusent deux barèmes de taux : ceux destinés aux conseillers bancaires et ceux transmis mensuellement aux courtiers, qui ne sont pas plus bas que les premiers. Au contraire, les agences ont souvent des barèmes mieux-disants, en raison de la décote permise par le fait que la banque n'a pas à rémunérer d'intermédiaire. L'octroi de tel taux par la banque dépend de la situation personnelle de l'emprunteur : ses revenus, son taux d'endettement, son apport personnel, le montant et la durée du crédit. Les bases de négociation diffèrent donc selon que le client passe en direct ou fait appel à un intermédiaire.
Les barèmes sur lesquels les médias se sont appesanti étaient à destination des prescripteurs, c'est-à-dire les courtiers, qui ont fait remonté l’information, et qui concentrent aujourd'hui plus d'un tiers des demandes de crédit immobilier. Ces grilles transmises aux courtiers visent une clientèle qui ne vient pas naturellement en agence. En communiquant des valeurs en hausse, les banques tentent de diminuer les apports venant des intermédiaires, mais tant que la reprise n'est pas effective et la distribution du crédit redevenue normale, il est impossible de valider l'augmentation des taux d'intérêts. Pour autant, cette possibilité n'est pas exclue.
À l'issue de la crise sanitaire, les paramètres économiques et financiers vont immanquablement évoluer. Si l'inflation repart à la hausse dans la zone euro, s'en suivra une tension sur les marchés obligataires qui aura un impact sur les taux d'emprunt. En première ligne dans les efforts à fournir pour réduire les conséquences de cette crise sans prédécent, la Banque Centrale Européenne aura à cœur d'éviter une crise des dettes souveraines et l'endettement excessif des ménages. Dans l’hypothèse où les taux d'emprunt augmenteraient réellement, ce serait dans des proportions limitées pour ne pas compromettre dans l'immédiat une reprise de l'activité immobilière