Le dispositif 100 % Santé, également appelé reste à charge zéro, a marqué une avancée majeure pour les assurés français en rendant accessibles certains soins coûteux – optique, dentaire et audiologie – sans reste à charge. Cependant, un rapport de plus de 500 pages, commandé par le Premier ministre François Bayrou et publié le 3 juillet 2025, alerte sur les dérives financières et commerciales de cette mesure.
Un état des lieux contrasté du 100 % Santé
Les 3 Hauts conseils – le Haut conseil pour le financement de la protection sociale, le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, et le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie – reconnaissent dans leur rapport les bénéfices du 100 % Santé :
- Amélioration notable de l’accès aux soins auditifs, optiques et dentaires
- Réduction des inégalités face à certains équipements coûteux
- Hausse du nombre de bénéficiaires, en particulier chez les seniors
Mais ces avancées s’accompagnent d’effets pervers, notamment pour les organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam), qui supportent environ 70 % du financement du dispositif. Cette pression économique se répercute directement sur les cotisations des assurés, au premier rang desquels ceux couverts par une mutuelle santé senior.
Des dépenses en forte augmentation
L’étude de la DREES révèle une augmentation de 75 % du nombre de personnes équipées en prothèses auditives depuis la mise en œuvre du 100 % Santé. Parallèlement, une explosion des publicités pour les aides auditives, y compris sur les médias publics, a été observée.
Les experts soulignent que cette situation :
- Encourage des comportements consuméristes
- Alimente des pratiques commerciales abusives
- Crée des risques de fraudes touchant à la fois l’AMO (Assurance Maladie Obligatoire) et l’AMC (Assurance Maladie Complémentaire)
Recommandations pour maîtriser les dérives
Face à ces constats, le rapport propose plusieurs pistes visant à maîtriser les coûts et encadrer les dérives.
1. Allonger les délais de renouvellement des équipements
- Actuellement fixé à 2 ans pour les lunettes de vue, le délai pourrait passer à 3 ou 5 ans.
- La garantie légale des audioprothèses devrait également être prolongée.
- Objectif : réduire le renouvellement prématuré et limiter les dépenses inutiles.
2. Encadrer davantage les prix de vente
- Baisse du prix limite de vente des audioprothèses pour limiter les marges excessives.
- Mise en place d’un panier modéré de classe 2 pour les aides auditives, sur le modèle du panier dentaire.
- Liberté pour les Ocam de rembourser tout ou partie des dépassements hors ticket modérateur.
Ces ajustements visent à :
- Renforcer la transparence tarifaire
- Éviter les abus des distributeurs et fabricants
- Adapter les remboursements aux coûts réels des dispositifs
3. Mieux réguler la publicité
Les experts dénoncent un usage massif et peu encadré de la publicité, notamment dans le secteur du reste à charge zéro auditif.
Ils proposent :
- Interdiction de la publicité pour les équipements du 100 % Santé (optique, dentaire, audioprothèses)
- Lutte contre les pratiques visant à dénigrer le panier 100 % Santé
- Présentation d’un devis intégrant l’option 100 % Santé, aujourd’hui souvent ignorée mais pourtant obligation réglementaire
Cette mesure permettrait de :
- Réduire la pression commerciale sur les assurés
- Encourager une consommation plus raisonnée
- Mettre fin à certaines fraudes déguisées en marketing
4. Renforcer la lutte contre la fraude
Les dispositifs du 100 % Santé sont devenus une cible de choix pour la fraude, comme l’a révélé la DGCCRF dans son bilan 2024.
Le rapport recommande :
- Contrôles renforcés et sanctions plus lourdes pour les professionnels fraudeurs
- Mise en place d’une transmission croisée des données entre AMO (Assurance Maladie Obligatoire) et AMC (Assurance Maladie Complémentaire)
- Création d’un dispositif commun de détection des abus
Ces actions visent à :
- Protéger les fonds publics et ceux des Ocam
- Éviter une hausse injustifiée des cotisations des assurés
- Rétablir un équilibre durable dans le financement du système
Une réforme à préserver, mais à mieux encadrer
Les Hauts conseils insistent : le 100 % Santé ne doit pas être remis en cause dans son principe, mais mieux régulé dans son application.
Le rapport, qui pourrait inspirer le PLFSS 2026, vise à :
- Préserver l’accès universel aux soins
- Réduire les coûts évitables pour les complémentaires
- Encourager des pratiques plus éthiques dans les secteurs concernés
À retenir : les mesures clés proposées
- Allongement du délai de renouvellement des lunettes et audioprothèses
- Réduction des prix limites de vente et mise en place d’un panier modéré
- Interdiction de la publicité pour les équipements 100 % Santé
- Renforcement des contrôles et des sanctions contre les fraudes
- Amélioration de la transparence tarifaire dans les dispositifs médicaux
Le rapport des Hauts conseils sur le 100 % Santé met en lumière les limites d’un modèle vertueux mais insuffisamment régulé. Pour éviter une flambée des cotisations et des dérives commerciales, des mesures structurelles s’imposent. Dans la perspective du PLFSS 2026, ces recommandations pourraient profondément redéfinir l’équilibre entre accès aux soins, transparence et soutenabilité financière.