Emprunter sans apport personnel est possible sous certaines conditions. Face à la hausse des prix de l’immobilier et à la difficulté de constituer une épargne suffisante, financer son projet à 100 %, voire à 110 %, apparaît comme une solution pragmatique. Toutefois, cette stratégie de financement soulève une interrogation récurrente chez les emprunteurs : l’assurance emprunteur est-elle plus coûteuse en l’absence de mise de départ ?
La question est légitime. L’assurance de prêt représente une composante majeure du coût global d’un crédit immobilier, deuxième poste de dépense après les intérêts bancaires. Comprendre ce qui influence réellement son prix est donc indispensable pour anticiper son budget et éviter les idées reçues.
Dans cet article, nous faisons le point sur le fonctionnement du prêt immobilier sans apport, sur les critères déterminants du tarif de l’assurance emprunteur et sur les mécanismes indirects qui peuvent, dans certains cas, alourdir la facture lorsque l’on finance son bien sans épargne initiale.
Qu’est-ce qu’un prêt immobilier sans apport ?
Définition du prêt sans apport
Un prêt immobilier sans apport correspond à un financement dans lequel la banque prend en charge 100 % du prix du bien, voire 110 % lorsque les frais annexes sont intégrés au crédit. Ces frais comprennent notamment :
- Les droits de mutation à titre onéreux, communément appelés frais de notaire
- Les frais d’agence immobilière
- Les frais de garantie (hypothèque, caution)
Dans l’ancien, ces coûts représentent en moyenne environ 10 % du prix d’achat, contre 6 à 7 % dans le neuf. Un prêt à 110 % permet donc de ne pas mobiliser d’épargne au moment de l’acquisition.
Pourquoi emprunter sans apport ?
Le recours au prêt immobilier sans apport concerne des profils variés :
- Les primo-accédants, souvent jeunes, qui n’ont pas encore constitué une épargne suffisante
- Les actifs aux revenus confortables, préférant conserver leur trésorerie pour des projets futurs
- Les investisseurs locatifs, cherchant à maximiser l’effet de levier du crédit
- Les emprunteurs en situation de transition de vie (séparation, mutation professionnelle)
Contrairement aux idées reçues, l’absence d’apport ne traduit pas systématiquement une fragilité financière. Elle peut relever d’un choix stratégique.
Le regard des banques sur un prêt sans apport
Pour un établissement bancaire, un financement sans apport reste néanmoins plus exposé au risque, puisqu’il finance l’intégralité du projet. En cas de défaut de paiement et de revente du bien, la banque ne récupère généralement que la valeur du logement, sans couvrir les frais annexes financés. Le risque porte également sur une éventuelle dépréciation du bien, notamment si le marché est en baisse. Dans ce cas, la banque ne récupère pas l’intégralité de la somme prêtée.
C’est pourquoi les dossiers sans apport font l’objet d’une analyse renforcée, portant notamment sur :
- La stabilité et la pérennité des revenus : le CDI est un sésame, de même que l’ancienneté professionnelle.
- La gestion des comptes bancaires : aucun découvert ni achat compulsif
- Le taux d’endettement : plafonné à 35 %, assurance emprunteur comprise, selon les règles du Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF)
- Le reste à vivre : l’argent à disposition pour assumer les dépenses du quotidien après remboursement des mensualités de crédit(s)
- L’existence d’une épargne de précaution pour pallier un éventuel coup dur : au moins 6 mensualités de crédit.
Prêt sans apport personnel : un coût plus élevé pour l’emprunteur
Du fait de l’élévation du risque pour le prêteur, le taux nominal d’un crédit sans apport est très souvent supérieur à celui d’un prêt doté d’une mise de fonds, de quelques points de base (entre +0,10 à +0,25%) . Toutefois, la banque fixe librement les conditions dans le respect du taux d’usure.
Pour rester dans les clous du taux d’endettement, le prêt sans apport nécessite parfois un allongement de la durée de remboursement.
Comment est calculé le coût de l’assurance emprunteur ?
Un poste de dépense majeur du crédit immobilier
L’assurance emprunteur couvre les risques de décès, d’invalidité, d’incapacité de travail et parfois de perte d’emploi. Bien qu’elle ne soit pas légalement obligatoire, elle est exigée par les banques dans la quasi-totalité des cas.
Son coût peut représenter entre 20% et 40% du coût total du crédit. Ce dernier est exprimé par le TAEG (Taux Annuel Effectif Global), indicateur qui agrège tous les frais liés à l’obtention du financement bancaire (frais de dossier, garantie, assurance, frais de courtage éventuels).
Les critères réellement pris en compte par les assureurs
Contrairement au taux d’intérêt du prêt, fixé par la banque en fonction des conditions monétaires du moment, le tarif de l’assurance emprunteur n’est pas déterminé par le prêteur mais par l’assureur (qui peut être le même ou une des ses filiales), selon des critères strictement individuels :
- L’âge : plus l’emprunteur est jeune, plus le taux est bas
- L’état de santé et les antécédents médicaux
- Le statut de fumeur, qui peut entraîner une surprime d’assurance de prêt importante
- La profession, certaines étant jugées plus risquées
- La pratique de sports à risque
- Le montant et la durée du prêt
Ces éléments expliquent pourquoi 2 emprunteurs, à capital identique, peuvent se voir proposer des tarifs d’assurance très différents.
Le rôle du TAEA
Le Taux Annuel Effectif d’Assurance (TAEA) permet de comparer les offres d’assurance emprunteur de manière objective. Exprimé en pourcentage, il intègre l’ensemble des cotisations liées à l’assurance.
Introduit pour renforcer la transparence, le TAEA est un indicateur clé pour mesurer l’impact réel de l’assurance sur le coût global du crédit. Il est obligatoirement mentionné dans toutes les offres d’assurance de prêt et se révèle très utile pour mettre en parallèle la proposition bancaire avec les formules concurrentes.
L’assurance d’un prêt sans apport coûte-t-elle réellement plus cher ?
Absence d’apport et assurance : aucun lien direct
Il est essentiel de le préciser clairement : le fait de ne pas avoir d’apport personnel n’augmente pas automatiquement le taux de l’assurance emprunteur. L’apport n’est tout simplement pas un critère de tarification pour les assureurs.
La solvabilité de l’emprunteur est mesurée par l’organisme prêteur et n’entre pas en ligne de compte pour accorder l’assurance crédit.
À profil équivalent, 2 emprunteurs ayant un profil de risque identique (âge, profession, santé), assurés pour le même capital et la même durée, bénéficieront du même taux d’assurance, qu’ils aient financé leur projet avec ou sans apport.
Les effets indirects qui font grimper la facture
En revanche, le prêt sans apport entraîne des conséquences mécaniques qui peuvent augmenter le coût total de l’assurance, sans modifier son taux.
- Un capital assuré plus élevé
Financer les frais annexes par le crédit augmente le montant total assuré. Or, l’assurance est calculée sur ce capital emprunté. - Une durée de prêt souvent plus longue
Pour compenser un capital plus important, la durée du crédit est fréquemment allongée. Chaque année supplémentaire génère des cotisations additionnelles. - Un équilibre financier plus contraint
Même si cela n’impacte pas directement l’assurance, un dossier sans apport peut conduire à des conditions bancaires globales moins favorables, influençant indirectement la structure du financement.
Exemple comparatif
Pour un bien de 250 000 € :
- Avec un apport de 20 %
- Capital assuré : 200 000 €
- Durée : 20 ans
- Taux nominal : 3,35 %
- TAEA : 0,34 % (taux moyen bancaire)
- Coût total de l’assurance : 13 600 €
- Coût du crédit (intérêts + assurance) : 88 295 €
- Sans apport
- Capital assuré : 250 000 €
- Durée : 25 ans
- Taux nominal : 3,60 %
- TAEA : 0,34 %
- Coût total de l’assurance : 21 250 €
- Coût du crédit (intérêts + assurance) : 150 752 €
Le surcoût atteint ici 64 457 €, avec changement de taux d’emprunt et de durée, mais avec un taux d’assurance similaire. Le financement sans apport modifie les conditions du crédit, sans toutefois changer celles de l’assurance.
La délégation pour baisser le coût de l’assurance
L’exemple cité est calculé à partir d’une assurance bancaire. En délégant le contrat, le coût peut être diminué de plusieurs milliers d’euros sur la durée totale de remboursement.
Imaginons un emprunteur de 30 ans, non fumeur, non cadre : son prêt sans apport peut être couvert par une offre alternative à la proposition d’assurance bancaire au taux de 0,09%, soit un coût d’assurance de 5 625 €. L’économie est de 15 625 € !
Important : si la délégation n’a pu être entreprise lors de la demande de financement, la loi Lemoine permet de changer d’assurance de prêt immobilier en cours de prêt, à tout moment, sans frais ni motif à fournir.
Ce qu’il faut retenir
Un prêt immobilier sans apport n’entraîne pas, en tant que tel, une assurance emprunteur plus chère. Ce sont les effets indirects du financement à 100 % ou 110 % (capital plus élevé et durée plus longue) qui alourdissent le coût global de l’assurance.
Pour limiter cet impact, il est essentiel de comparer les contrats, d’envisager la délégation d’assurance et de raisonner le projet dans sa globalité. Un accompagnement avec un courtier spécialisé permet souvent de réaliser des économies substantielles, même sans apport personnel.