Face au projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026 (PLFSS 2026), les mutuelles et autres complémentaires santé tirent la sonnette d’alarme. Hausse des franchises, taxation accrue et réforme des ALD : les acteurs dénoncent un texte qui risque de faire grimper les cotisations et de fragiliser davantage l’accès aux soins.
Un avis défavorable unanime sur le budget Sécu 2026
L’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie (Unocam) a rendu, le 21 octobre 2025, un avis défavorable sur le PLFSS pour 2026.
Cette prise de position, adoptée à l’unanimité, illustre le profond mécontentement des acteurs de la complémentaire santé (mutuelles, compagnies d’assurance et institutions de prévoyance) face à un texte jugé déséquilibré et pénalisant pour les assurés comme pour les entreprises.
Selon l’Unocam, le projet gouvernemental repose sur une vision dépassée des relations entre l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et les organismes complémentaires (AMC), dans laquelle ces derniers continuent de jouer le rôle de variables d’ajustement budgétaires.
Un Objectif national de dépenses d’assurance maladie jugé « irréaliste »
Un Ondam 2026 déconnecté de la réalité sanitaire
L’un des principaux points de désaccord concerne la fixation de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) à +1,6 % en 2026.
Pour l’Unocam, ce taux impliquerait 7,1 milliards d’euros d’économies, un effort jugé irréaliste au vu des besoins croissants du système de santé.
Cette limitation budgétaire serait « totalement déconnectée des réalités sanitaires et démographiques », notamment du vieillissement de la population, de la multiplication des maladies chroniques et du coût des innovations thérapeutiques.
Des précédents inquiétants
L’Unocam rappelle que l’objectif de 3,6 % fixé pour 2025 n’a pas été respecté, entraînant le déclenchement du Comité d’alerte sur les dépenses d’assurance maladie en juin 2025.
Cette dérive budgétaire laisse planer de sérieux doutes sur la faisabilité des ambitions affichées pour 2026.
Des mesures qui pèseront sur les assurés et les entreprises
Des efforts financiers transférés aux ménages
Pour les mutuelles santé, le PLFSS 2026 transfère une part croissante du financement sur les assurés et les employeurs, déjà fortement sollicités.
Deux leviers principaux sont identifiés :
- Doublement des franchises médicales et de la participation forfaitaire, soit une hausse estimée à près de 3 milliards d’euros à la charge directe des assurés ;
- Nouvelle taxe et transferts de charges imposés aux organismes complémentaires santé, représentant 1,4 milliard d’euros, qui se répercutera sur les cotisations des contrats santé.
Une inflation silencieuse du coût de la santé
Ces mesures risquent d’engendrer une augmentation mécanique des cotisations en 2026, rendant la mutuelle santé moins accessible pour de nombreux ménages.
Les entreprises, déjà soumises à la généralisation de la complémentaire santé, pourraient elles aussi voir leurs charges augmenter.
Une taxation jugée injustifiée et pénalisante
Le projet de nouvelle taxe sur les complémentaires santé cristallise la colère du secteur.
Le PLFSS 2026 prévoit une taxe de 2,05 % sur les cotisations, censée rapporter 1 milliard d’euros à l’État.
Cette mesure ferait passer la taxation globale des mutuelles santé (contrats responsables) à plus de 15 %, un seuil historique pour les organismes complémentaires.
Des conséquences économiques préoccupantes
Selon l’Unocam, cette fiscalité accrue fragilisera l’équilibre financier des mutuelles et pénalisera indirectement les assurés, dont les cotisations devraient encore augmenter.
« Ce PLFSS n’a fait l’objet d’aucune concertation avec le secteur des complémentaires santé et impose une mise sous contrainte inédite du système d’assurance maladie », souligne Éric Chenut, président de l’Unocam.
Il rappelle que le modèle français d’assurance maladie, longtemps considéré comme exemplaire, est désormais menacé par une logique purement budgétaire.
Des pistes de coopération saluées, mais une vigilance maintenue
Un accueil positif pour le parcours pré-ALD
Malgré ses réserves, l’Unocam salue la création d’un parcours d’accompagnement des patients pré-ALD (Affections de Longue Durée).
Ce dispositif vise à mieux accompagner les patients à risque et à renforcer la prévention grâce à un co-financement entre l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et les complémentaires santé (AMC).
L’organisation insiste pour être associée à la mise en œuvre de ce programme, gage d’efficacité et de cohérence.
Nouveau périmètre des ALD
Le projet de loi évoque également une révision de la prise en charge des affections de longue durée (ALD).
Le dispositif d’ALD non exonérante, qui permettait à certains assurés malades de longue durée sans reconnaissance officielle d’ALD de bénéficier de règles spécifiques pour leurs indemnités journalières, va disparaître.
Désormais, les personnes contraintes d’interrompre leur activité pendant plus de 6 mois, sans être classées en ALD, seront soumises au régime de droit commun de l’Assurance Maladie pour le versement de leurs indemnités.
L’Unocam se déclare vigilante quant aux évolutions à venir, craignant que certaines pathologies soient exclues du périmètre actuel ou que les modalités de prise en charge soient revues à la baisse.
Les mutuelles demandent donc à participer aux discussions pour garantir un accès équitable aux soins, quel que soit le profil de l’assuré.
Vers une refonte des contrats de mutuelle responsable
Autre sujet de préoccupation : la révision du périmètre de la mutuelle responsable, annoncée dans le PLFSS 2026.
Ces contrats, qui encadrent les niveaux de remboursement et conditionnent certains avantages fiscaux pour les organismes assureurs, jouent un rôle central dans l’équilibre du système. Ils représentent 95% du marché de la complémentaire santé.
L’Unocam souhaite que cette réforme soit menée en concertation étroite avec les acteurs du secteur pour éviter une déstabilisation du marché et préserver le pouvoir d’achat des assurés.
Un appel à la concertation et à la responsabilité
Les organismes complémentaires santé appellent à une réelle concertation avec les pouvoirs publics dans le cadre du PLFSS 2026. Ils rappellent que les mutuelles et assurances santé jouent un rôle essentiel dans la couverture des soins, en complétant toujours plus les remboursements de la Sécurité sociale.
Pour eux, toute réforme doit viser à renforcer l’accès aux soins, et non à alourdir la facture des assurés. Dans un contexte marqué par la hausse des restes à charge et la tension financière des ménages, ils redoutent que le PLFSS 2026 creuse encore davantage les inégalités d’accès à la santé. Le coût de la santé représente en effet jusqu’à 34% des revenus pour les plus modestes.