Le crédit immobilier est au cœur de la stratégie commerciale des banques. Même si les taux d’intérêt affichés restent relativement stables, voire compétitifs malgré des conditions monétaires défavorables, les établissements bancaires ont trouvé une autre manière de préserver leurs marges : l’augmentation des frais de dossier. Associés à l’assurance emprunteur, ces frais constituent un levier puissant pour maintenir la rentabilité du financement immobilier.
Pourquoi et comment les banques utilisent ces leviers ? Quelles sont les conséquences pour les emprunteurs ? Quelles solutions existent pour limiter l’impact financier d’un prêt immobilier ?
Pourquoi les banques cherchent-elles à compenser leurs marges ?
Le contexte des taux immobiliers
Depuis plusieurs années, les taux de crédit immobilier connaissent une forte volatilité. Après une période de hausse marquée entre 2022 et 2024, les taux sont en baisse depuis janvier 2025 et se sont récemment stabilisés. Pourtant, pour les banques, prêter de l’argent à des conditions trop favorables peut s’avérer peu rentable en raison des conditions monétaires.
Utilisé par la Banque Centrale Européenne pour prêter aux banques commerciales de la zone euro, le taux de refinancement est descendu à 2,15% en juin 2025, et impacte directement le crédit aux particuliers, qui peut alors devenir plus accessible.
Mais les banques prennent également en compte l’OAT 10 ans (emprunt de l’État français sur 10 ans). Or, ce dernier suit une tendance haussière ces dernières semaines en lien avec l’instabilité politique dans notre pays et la dégradation de la note de la France par les agences de notation le 12 septembre dernier.
Actuellement, le taux moyen sur 20 ans se situe autour de 3,35% (hors assurance et coût des sûretés), pour un OAT 10 ans au-delà de 3,50%.
La pression de la concurrence
Un établissement qui augmente brutalement ses barèmes risque de voir ses clients se tourner vers la concurrence. Résultat : les banques préfèrent maintenir des taux attractifs mais se rattraper ailleurs sur :
- Les frais de dossier
- L’assurance emprunteur, souvent souscrite directement auprès de la banque.
Les frais de dossier : un outil discret mais efficace
Qu’est-ce que les frais de dossier ?
Les frais de dossier correspondent à la rémunération de la banque pour l’étude et la mise en place du prêt immobilier. Ils sont généralement exprimés :
- En montant forfaitaire (par exemple 1 000 €)
- Ou en pourcentage du capital emprunté (souvent autour de 1 %).
Ces frais peuvent être négociés avant signature de l’offre ; ils ne sont pas facturés en cas de refus du crédit.
Une augmentation significative des frais de dossier
Selon l'observation des courtiers en crédit immobilier, de nombreuses banques ont décidé de relever leur plafond de frais de dossier. Alors qu’il oscillait autour de 1 000 € jusqu’à récemment, il peut désormais atteindre 2 000 € ou plus.
Exemple concret : pour un prêt immobilier de 200 000 €, la hausse des frais de dossier peut représenter jusqu’à 945 € supplémentaires par rapport aux anciens barèmes.
Des disparités selon les profils
Tous les emprunteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Certaines banques proposent des conditions préférentielles pour attirer des profils stratégiques :
- Les jeunes actifs, qui représentent de futurs clients fidèles
- Les emprunteurs avec apport, jugés moins risqués
- Les clients haut de gamme, auxquels des offres premium sont réservées.
L’assurance emprunteur : la principale source de rentabilité pour les banques
Le poids de l’assurance de prêt immobilier
L’assurance emprunteur couvre les risques de décès, d’invalidité ou d’incapacité de travail. Si elle protège avant tout l’emprunteur et sa famille, elle constitue surtout une source de revenus importante pour les banques.
Bon à savoir : plus de 80% des emprunteurs souscrivent à l’assurance bancaire, ce qui représente entre 6 et 8 milliards de cotisations annuelles pour les établissements de crédit.
L’assurance de groupe proposée par les établissements financiers est très souvent plus chère que les offres des assureurs alternatifs. Les banques réalisent ainsi une marge substantielle sur ce produit complémentaire qui peut aller jusqu’à 70%.
La combinaison frais de dossier + assurance emprunteur
En pratique, les banques articulent leur stratégie de rentabilité autour de 2 leviers :
- Maintenir des taux attractifs pour séduire de nouveaux clients
- Compenser les marges perdues sur le taux nominal grâce aux frais de dossier et à l’assurance emprunteur.
Ainsi, même avec un crédit immobilier affiché à un taux compétitif, le coût total du financement peut s’avérer élevé une fois tous les frais ajoutés.
Impact pour les emprunteurs : un coût total en hausse
Exemple de simulation
Prenons le cas d’un prêt immobilier de 200 000 € sur 20 ans avec un taux nominal de 3 %.
- Ancien modèle :
- Frais de dossier : 1 000 €
- Assurance emprunteur (banque) : 0,35 % du capital assuré = 14 000 € sur la durée du prêt
- Coût total : 15 000 €
- Nouveau modèle :
- Frais de dossier : 2 000 €
- Assurance emprunteur (banque) : 0,40 % = 16 000 €
- Coût total : 18 000 €
Le crédit coûte 3 000 € de plus alors que le taux est resté identique.
Une hausse peu visible pour le client
Le grand avantage pour la banque est la discrétion de la méthode. Alors que le taux nominal est l’indicateur le plus scruté par les emprunteurs, les frais annexes passent souvent au second plan.
Peut-on négocier les frais de dossier et l’assurance emprunteur ?
La marge de négociation sur les frais de dossier
Bonne nouvelle : les frais de dossier ne sont pas figés. Plusieurs solutions existent pour les réduire :
- Demander une remise lors de la négociation du prêt
- Passer par un courtier, qui peut obtenir une exonération partielle
- Ouvrir des produits bancaires complémentaires (compte épargne, assurance habitation).
Le levier du changement d’assurance emprunteur
La loi Lagarde de 2010 vous donne le droit de choisir en toute liberté le contrat d’assurance qui va couvrir votre prêt immobilier. Dans les faits, peu d’emprunteurs en profitent. Chacun peut en revanche faire valoir ce droit dans un deuxième temps, une fois l’offre de prêt signée.
Depuis la loi Lemoine (2022), vous pouvez changer d’assurance de prêt à tout moment sans frais. Il est donc possible de réduire considérablement la facture en optant pour une assurance déléguée auprès d’un assureur spécialisé.
Exemple : sur un emprunt de 250 000 €, la différence de coût entre une assurance bancaire et une assurance externe peut atteindre 15 000 € sur 20 ans.
Il est crucial de changer au plus tôt pour optimiser les économies potentielles, car le coût de l’assurance emprunteur est calculé sur le capital restant dû.
Comment limiter l’impact de ces frais pour rester gagnant ?
- Comparer plusieurs banques avant de signer son crédit immobilier.
- Vérifier systématiquement le TAEG (Taux Annuel Effectif Global), qui intègre entre autres les frais de dossier et l’assurance. C’est le seul indicateur officiel du coût global d’un crédit immobilier.
- Négocier systématiquement les frais de dossier, quitte à mettre les banques en concurrence.
- Souscrire une assurance déléguée, souvent 2 à 4 fois moins chère que l’assurance groupe. Faites-vous aider par un expert. Le rôle d’un courtier en assurance de prêt est de vous accompagner au mieux de vos intérêts tout au long du processus de recherche et de souscription ou substitution.
Le crédit immobilier reste-t-il rentable pour les banques ?
Malgré des conditions monétaires dégradées, le crédit immobilier demeure un produit d’appel stratégique pour les établissements financiers. Il permet d’attirer de nouveaux clients et de vendre des produits annexes (assurance emprunteur, épargne, placements, assurance habitation).
Grâce à l’augmentation des frais de dossier et au maintien de l’assurance de groupe, les banques continuent de générer des revenus confortables, tout en donnant l’illusion d’un financement compétitif.
Conclusion
Le crédit immobilier n’est pas seulement une question de taux. Les frais de dossier et l’assurance emprunteur représentent des éléments déterminants du coût total. Si les banques ont choisi de stabiliser leurs taux pour rester attractives, elles compensent largement via ces frais annexes.
Pour l’emprunteur, la clé réside dans la vigilance et la comparaison. En utilisant les leviers de négociation et en recourant à l’assurance déléguée, il est possible de réduire de plusieurs milliers d’euros le coût global du financement.