Deux semaines après une première amende infligée au CIC Est, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) poursuit sa série de sanctions. Cette fois, 3 grandes enseignes bancaires, la Banque Populaire, la Caisse d’Épargne et le Crédit Agricole, sont épinglées pour non-respect du délai légal de traitement des demandes de substitution d’assurance emprunteur. Cette nouvelle salve illustre la vigilance accrue des autorités face aux pratiques bancaires jugées contraires à la loi Lemoine.
Trois nouvelles sanctions dans le viseur de la DGCCRF
La DGCCRF continue de faire appliquer la réglementation sur la substitution de l’assurance emprunteur. Après avoir sanctionné, début octobre, une première banque pour non respect de la loi Lemoine (CIC Est), elle vient de mettre à l’amende 3 autres établissements pour des manquements similaires, à savoir des pratiques dilatoires lors d’une demande de changement de contrat.
Les banques concernées sont :
- La Bred Banque Populaire, sanctionnée à hauteur de 298 000 €
- La Caisse d’Épargne Île-de-France, avec une amende de 80 000 €
- Le Crédit Agricole Paris Île-de-France, frappé d’une amende de 323 518 €.
Bon à savoir : le groupe Crédit Agricole est le plus gros distributeur de crédits immobiliers en France avec plus de 33% de parts de marché, ce qui lui confère une position dominante pour imposer ses contrats d'assurance emprunteur.
Ces décisions font suite à plusieurs enquêtes menées entre 2022 et 2024, qui ont mis en évidence des retards significatifs dans le traitement des demandes de changement d’assurance emprunteur. Les établissements concernés ont, à de nombreuses reprises, dépassé le délai de 10 jours ouvrés prévu par la réglementation pour répondre aux emprunteurs et pour transmettre l’avenant au contrat de prêt.
Des retards répétés dans le traitement des substitutions en assurance de prêt
Selon la DGCCRF, ces 3 banques n’ont pas respecté leurs obligations légales définies par l’article L.313-31 du Code de la consommation. Ce texte impose aux établissements prêteurs de :
- Répondre à toute demande de substitution d’assurance dans un délai maximum de 10 jours ouvrés ;
- En cas d’acceptation, transmettre l’avenant au contrat de prêt dans le même délai, et ce, gratuitement.
Dans un nombre jugé « significatif » de dossiers, les banques sanctionnées n’ont pas respecté cette procédure. Le résultat est préjudiciable aux emprunteurs qui souhaitent changer d’assurance de prêt immobilier pour obtenir de meilleures garanties ou réduire le coût de leur crédit immobilier : ils se retrouvent bloqués, parfois pendant plusieurs semaines.
Une pratique abusive des banques connue et dénoncée depuis longtemps
Pour les acteurs du marché, ces sanctions ne constituent pas une surprise. Depuis des années, les assureurs alternatifs dénoncent les pratiques dilatoires de certaines banques qui freinent volontairement les démarches de substitution. Malgré l’entrée en vigueur de la loi Lemoine en 2022, censée faciliter la concurrence et offrir plus de liberté aux consommateurs, des retards persistants sont fréquemment observés.
Dans son Observatoire de l’assurance emprunteur 2024, l’Apcade (Association pour la promotion de la concurrence en assurance emprunteur) précise qu’une demande de substitution sur deux dépasse le délai légal de 10 jours, et que dans un tiers des cas les emprunteurs attendent plus de 20 jours pour obtenir une réponse de leur banque.
Les comportements se sont certes améliorés depuis la loi Lemoine, mais certaines banques continuent de jouer la montre. Elles invoquent des raisons techniques ou administratives pour retarder la substitution, ce qui décourage les emprunteurs de faire jouer la concurrence. N’oublions pas que les bancassureurs captent au moins 85% des cotisations d’assurance de prêt, soit une manne entre 6 et 8 milliards d’euros par an.
La DGCCRF, de son côté, semble déterminée à mettre fin à ces abus. Il lui aura quand même fallu 3 ans pour sévir. Ces retards freinent également la dynamique concurrentielle voulue par le législateur, en décourageant les emprunteurs de changer d’assurance.
Rappel : ce que prévoit la loi Lemoine
Promulguée le 28 février 2022, la loi Lemoine a bouleversé le marché de l’assurance emprunteur. Elle permet désormais à tout assuré de résilier son contrat d’assurance de prêt à tout moment, sans attendre la date anniversaire du contrat. Cette mesure vise à instaurer une réelle concurrence entre les établissements bancaires et les assureurs indépendants, qui peuvent être jusqu’à 4 fois moins chers.
Outre la possibilité de résilier librement, la loi impose :
- Un délai maximal de 10 jours ouvrés pour que la banque traite la demande et formalise l’avenant ;
- L’obligation pour les établissements de motiver tout refus de substitution ;
- Une amende administrative pouvant aller jusqu’à 15 000 € en cas de manquement.
L’objectif est clair : fluidifier le marché et permettre aux emprunteurs de faire jouer la concurrence pour réduire le coût global de leur crédit. Les économies peuvent aller au-delà de 15 000 € sur la durée restante du prêt.
La loi Lemoine a par ailleurs instauré 2 autres mesures fortes qui semblent pour l'heure respectées :
- suppression du questionnaire médical pour tout prêt immobilier de 200 000 € maximum et soldé avant le 60e anniversaire de l’emprunteur
- amélioration du droit à l’oubli dont le délai après un cancer est passé de 10 à 5 ans, et inclusion de l’hépatite C dans le dispositif.
Des sanctions appelées à se multiplier
Les récentes amendes prononcées par la DGCCRF marquent une étape importante. Elles rappellent que la loi Lemoine n’est pas une simple recommandation, mais une obligation juridique assortie de sanctions
Les professionnels du secteur anticipent d’ailleurs d’autres décisions similaires dans les mois à venir. La DGCCRF, ayant mené une série d’enquêtes sur la période 2022–2024, pourrait encore publier de nouveaux résultats.
Ces actions coercitives s’inscrivent dans une volonté gouvernementale de rétablir l’équilibre entre banques et consommateurs, en assurant une réelle transparence et en garantissant le respect du droit à la substitution d’assurance.