L’ostéopathie pourrait disparaître du panel des prestations prises en charge par les complémentaires santé dès 2026. Cette perspective, encore à l’étude, suscite de nombreuses interrogations, car plus d’un Français sur deux a consulté un ostéopathe au cours des 5 dernières années. L’annonce secoue autant les professionnels que les assurés, tandis que les mutuelles craignent une remise en cause de certains engagements contractuels déjà conclus dans la fonction publique. Pourquoi un tel projet ? Quels impacts sur les patients et sur le système de santé ? Essayons de comprendre les enjeux de ce déremboursement potentiel de l’ostéopathie.
Pourquoi l’ostéopathie pourrait ne plus être remboursée par les mutuelles ?
La piste d’un arrêt du remboursement de l’ostéopathie dans les contrats de mutuelle responsable fait suite à 2 rapports récents : l’un émanant du Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM), l’autre du Sénat. Tous deux pointent une envolée des dépenses liées aux pratiques non conventionnées comme l’ostéopathie, la chiropraxie ou encore l’étiopathie.
Dans son rapport de 2024, le Sénat met en avant un chiffre majeur : les prestations connexes à la santé ont vu leur coût multiplié par 5 en 8 ans, jusqu’à atteindre 1 milliard d’euros remboursés par les complémentaires santé. Cette progression est jugée difficilement tenable dans un contexte de tensions financières pour les mutuelles.
En conséquence, les 2 instances recommandent d’exclure les médecines douces des garanties remboursées par les contrats responsables. Et comme ces contrats représentent la très grande majorité du marché (95% des offres de complémentaire santé), une telle décision reviendrait, dans les faits, à supprimer toute prise en charge de l’ostéopathie.
Bon à savoir : le remboursement de l’ostéopathie par la Sécurité Sociale est possible uniquement si la séance est pratiquée par un médecin de secteur 1 diplômé en ostéopathie.
Déremboursement de l’ostéopathie : un risque de report massif vers la médecine conventionnée
Si l’ostéopathie n’était plus remboursée en 2026, les patients pourraient modifier profondément leurs habitudes de soins. À la place d’une consultation ostéopathique, qui coûte en moyenne entre 50 et 80 €, les Français pourraient se tourner davantage vers :
- leur médecin généraliste
- les kinésithérapeutes, dont les soins sont remboursés par l’Assurance maladie
- les traitements médicamenteux, notamment antalgiques et anti-inflammatoires.
Selon le député Guillaume Lepers (LR), cette situation pourrait provoquer une amplification du recours aux médicaments, parfois déjà surconsommés en France. Il alerte également sur une conséquence indirecte : la hausse des arrêts de travail, qui pèse à son tour sur la Sécurité sociale et les entreprises.
Alors que l’objectif initial est de réduire la dépense des complémentaires, la mesure pourrait transférer une partie des coûts vers d’autres acteurs du système de santé.
Des professionnels de santé préoccupés
Les ostéopathes redoutent un choc brutal pour leur activité. Beaucoup rappellent que leurs consultations permettent souvent d’éviter des traitements médicamenteux plus lourds ou des passages répétés chez le médecin. Sans remboursement, nombre de patients renonceraient à ces soins préventifs, pourtant plébiscités pour soulager les douleurs musculo-squelettiques.
Pour les professionnels, la disparition du remboursement risque également de :
- diminuer la fréquentation des cabinets
- réduire l’accès à des soins non médicamenteux
- accroître les inégalités entre patients selon leur pouvoir d’achat.
Plusieurs associations professionnelles demandent au gouvernement d’évaluer l’impact économique et sanitaire global avant toute décision.
Fin du remboursement de l’ostéo : en contradiction avec certains engagements publics
Le potentiel déremboursement de l’ostéopathie met aussi en lumière un paradoxe. En effet, la réforme de la protection sociale complémentaire dans la fonction publique a récemment intégré plusieurs pratiques non conventionnées dans ses cahiers des charges.
Rappel : la mutuelle à adhésion obligatoire en entreprise concerne le secteur privé depuis janvier 2016 et le secteur public à compter de janvier 2026.
Un exemple marquant provient de l’Éducation nationale. L’étiopathie a été intégrée comme garantie obligatoire dans les complémentaires santé collectives. Cela a obligé certaines mutuelles, dont la MGEN, à ajouter des prestations qu’elles ne couvraient pas jusqu’ici.
Si l’État décidait demain de dérembourser les médecines douces dans les contrats responsables, il se retrouverait donc en contradiction avec ses propres orientations fixées pour les agents publics. Plusieurs syndicats et experts soulignent que ce revirement pourrait générer d’importantes difficultés juridiques et financières.
Un enjeu budgétaire pour les mutuelles, mais aussi pour les assurés
Les mutuelles affichent 2 préoccupations majeures :
- La hausse continue des remboursements des médecines douces, qui contribue à l’inflation des cotisations.
- La nécessité de maintenir des garanties cohérentes avec les exigences de l’État, notamment dans la fonction publique.
Si l’ostéopathie était déremboursée, les mutuelles pourraient réduire une partie de leurs dépenses… mais pas forcément le coût des cotisations pour autant. En effet, les mutuelles doivent déjà absorber :
- la hausse des dépenses hospitalières
- les transferts de charges de la Sécurité Sociale (exemple avec la réforme du 100% Santé ou zéro reste à charge en dentaire, optique et audiologie)
- l’évolution démographique des assurés.
Pour les assurés, le risque est donc double : perdre une prise en charge, sans bénéficier d’une baisse notable de cotisation.
La Mutualité Française estime qu’il faut effectivement revoir le périmètre des soins couverts par les mutuelles responsables. Défini sur les soins essentiels par les pouvoirs publics, ce type de contrat a été enrichi par les organismes pour être en phase avec les pratiques aujourd’hui plébiscitées par les assurés. La question est de savoir si la mutualisation doit également s’appliquer aux soins alternatifs de bien-être.
Quelles conséquences pour les patients ?
L’arrêt du remboursement par les mutuelles en 2026 entraînerait plusieurs effets collatéraux :
1. Une hausse du reste à charge
Les séances d’ostéopathie deviendraient entièrement payantes pour les assurés, ce qui pourrait limiter l’accès à ces soins pour les foyers les plus modestes.
2. Une modification du parcours de soins
Les patients pourraient reporter leurs besoins vers les médecins ou kinésithérapeutes, allongeant parfois les délais de rendez-vous.
3. Une possible aggravation de certaines douleurs
Privés d’une solution non médicamenteuse, certains patients pourraient voir leurs symptômes persister, nécessitant davantage de consultations médicales.
4. Une hausse de la consommation de médicaments
Plusieurs élus craignent une multiplication des prescriptions d’antalgiques ou d’anti-inflammatoires.
5. Un impact sur la prévention
L’ostéopathie est souvent utilisée à titre préventif. Sans remboursement, les consultations anticipées pourraient se raréfier.
Faut-il s’attendre à une révision des garanties de mutuelle santé en 2026 ?
Les assurés doivent s’attendre à voir évoluer les garanties de leur complémentaire santé dans les prochains mois. Comme ce fut le cas lors des réformes précédentes, les mutuelles pourraient ajuster leurs contrats dès que les arbitrages gouvernementaux seront rendus publics.
Les professionnels de santé, eux, espèrent encore faire entendre leur voix pour défendre des pratiques considérées comme utiles à la prévention et au bien-être des patients.