Face à la crise du logement et à la chute de l’investissement locatif, le gouvernement s’apprête à créer un véritable “statut de bailleur privé”. L’objectif : encourager les propriétaires individuels à remettre des logements sur le marché, en particulier en location nue de longue durée. Ce nouveau cadre fiscal, intégré au projet de loi de finances 2026, s’annonce comme une réponse structurante après la disparition du Pinel et l’effondrement des ventes de logements destinés à la location.
Un statut de bailleur privé pour revitaliser l’investissement locatif
Depuis le début de l’année 2025, la suppression de l’investissement en loi Pinel a profondément déséquilibré le marché. Selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), les ventes de logements neufs destinés aux investisseurs particuliers se sont effondrées de 55 % en un an. Cette chute historique met en difficulté la production de logements neufs, alors que la demande locative ne cesse de croître.
Les parlementaires ont donc fait de la relance du parc privé une priorité du budget 2026. Le futur statut de bailleur privé se structure autour de 3 leviers fiscaux :
- un amortissement fiscal encadré
- un renforcement du régime micro-foncier
- une logique d’engagement dans la durée.
Ce dispositif vise à simplifier, sécuriser et rendre plus attractive la location longue durée, tout en luttant contre la vacance et le basculement massif vers la location meublée touristique.
Un amortissement fiscal pour les logements loués en résidence principale
La mesure phare du futur statut de bailleur privé introduit un mécanisme d’amortissement fiscal pour les logements neufs, rénovés ou réhabilités, mis en location nue de longue durée à compter de 2026.
Concrètement, le propriétaire pourra déduire chaque année une fraction du prix d’achat ou du coût des travaux de son revenu foncier. Les taux proposés sont les suivants :
- 3,5 % par an pour les logements neufs, avec une majoration si le bailleur pratique des loyers modérés (intermédiaires, sociaux ou très sociaux).
- 3 % pour les logements anciens rénovés, sous condition que les travaux représentent au moins 20 % du prix d’acquisition, avec également un bonus en cas de loyers sociaux.
Cette déduction vient s’ajouter aux charges foncières habituelles, ce qui améliore mécaniquement la rentabilité nette des projets locatifs.
Un engagement sur 9 ans pour bénéficier de l’avantage
Pour être éligible, le bailleur devra respecter plusieurs règles :
- louer le bien en location vide
- proposer une résidence principale
- s’engager sur une durée de 9 ans
- mettre en location dans les 12 mois suivant l’achat ou la fin des travaux.
Un avantage fiscal plafonné
Initialement fixé à 10 000 € par logement, le plafond annuel de l’avantage a été revu à la baisse pour éviter les opportunités purement fiscales, soit 8 000 € par foyer fiscal et par an.
Ce recentrage vise à cibler la mesure sur les particuliers qui investissent réellement dans la location de longue durée.
Micro-foncier : un abattement porté à 50 % pour les bailleurs privés
Le statut de bailleur privé ne se limite pas à l’amortissement. Il revalorise également un autre outil fiscal très utilisé : le régime micro-foncier.
Un abattement relevé pour les petits bailleurs
Le texte prévoit d’augmenter l’abattement du micro-foncier de 30 % à 50 % pour des loyers perçus jusqu’à 15 000 € par an.
L’objectif est de rendre la location nue plus compétitive face à la location meublée et inciter les petits propriétaires à privilégier des baux classiques plutôt que des locations de courte durée, souvent plus lucratives mais déstabilisantes pour le marché. Dans certaines zones touristiques, la pénurie de logements de longue durée prive les locaux d’offres locatives.
Un rééquilibrage face à la location meublée
Les députés ont rappelé que :
- le nombre de logements loués nus a été divisé par deux en 4 ans
- les locations meublées gagnent 10 à 20 % de rendement supplémentaire
- les plateformes touristiques comme Airbnb captent une part croissante du parc urbain.
Statut de bailleur privé : Quel impact attendu sur la production immobilière ?
Selon les simulations fournies aux députés, le statut de bailleur privé pourrait générer :
- 10 000 logements locatifs neufs dès 2026
- 44 600 logements anciens remis en location
- un effet domino avec 4 000 logements supplémentaires (accession, logements sociaux…).
À horizon 2030, les projections tablent sur 30 000 logements locatifs neufs supplémentaires grâce à ce mécanisme.
Bon à savoir : La France manque chaque année entre 350 000 et 400 000 logements, et en construit moins de 260 000.
Créer un statut de bailleur privé pour contrer la crise du logement
Ces réformes ne sont pas qu’un geste fiscal : elles répondent à un problème structurel. La France connaît une crise du logement sans précédent :
- pénurie de biens
- hausse des loyers
- vacance croissante dans certains territoires
- raréfaction de l’offre dans les zones tendues
- également règles d’octroi du HCSF qui se sont révélées être un frein au crédit immobilier durant les années 2021 et 2022 en raison de l’augmentation très vive des taux d’intérêts.
Une mesure calibrée pour limiter les coûts pour l'État
Les simulations budgétaires annoncent :
- un coût de 103 millions d’euros en 2026
- compensé par les recettes induites (TVA sur les travaux et ventes, droits de mutation, taxation des plus-values avec réintégration des amortissements).
L’État table donc sur un mécanisme vertueux, où l’incitation fiscale stimule l’investissement immobilier tout en assurant un retour financier à moyen et long terme.
Une réponse à la frilosité des petits propriétaires
Les décideurs misent sur un effet psychologique important. Ces dernières années, de nombreux propriétaires ont quitté la location classique, invoquant :
- une fiscalité complexe
- des réglementations perçues comme instables
- la crainte d’impayés
- les nouvelles normes environnementales qui excluent progressivement du secteur locatif les logements mal classés au DPE (Diagnostic de Performance Énergétique)
- la lourdeur administrative.
Le statut de bailleur privé se veut donc simple, lisible et sécurisant.
La fin du Pinel : un choc pour les promoteurs et les investisseurs
Depuis plus de 40 ans, les mécanismes fiscaux pour encourager l’investissement locatif se succédaient (Besson, Borloo, Scellier, Duflot, Pinel…). La suppression du Pinel en janvier 2025 a constitué un tournant brutal :
- plus aucun dispositif fiscal spécifique pour le neuf (hormis le LLI, Logement Locatif Intermédiaire, pénalisé par une durée d’engagement de 15 ans)
- une TVA à 20 % sur les logements neufs
- une rentabilité perçue en forte baisse.
Les conséquences ne se sont pas fait attendre :
- seulement 20 % des ventes de logements neufs au 3ᵉ trimestre 2025 ont été réalisées auprès d’investisseurs contre 50 % un an plus tôt
- une chute totale à moins de 10 000 ventes annuelles, contre 60 000 habituellement.
Cette situation bloque la construction de nouveaux programmes, les investisseurs étant traditionnellement les premiers à acheter et donc à sécuriser la viabilité financière des projets auprès des banques.
Le statut de bailleur privé ambitionne de remettre les propriétaires au cœur de la stratégie nationale du logement. En combinant amortissement fiscal, micro-foncier renforcé et sécurisation de la location longue durée, ce dispositif veut :
- réactiver l’investissement locatif
- remettre des milliers de logements vacants sur le marché
- encourager les travaux de rénovation énergétique
- rééquilibrer la fiscalité entre meublé et location nue
- soutenir la création de logements neufs dans un contexte tendu.
Reste à savoir si ces mesures suffiront à convaincre les petits bailleurs de revenir massivement sur le marché. Une chose est sûre : le statut de bailleur privé marque une évolution importante dans la politique du logement en France et pourrait, à terme, redessiner en profondeur le marché locatif.