Produits annexes du crédit immobilier : le forcing des banques

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Décrocher un prêt immobilier est un parcours du combattant et souvent, la banque force la main de l’emprunteur pour qu’il prenne d’autres produits afin de lui accorder le financement de son projet immobilier. Quels sont ces produits fréquemment imposés ? Est-ce légal ?

Les produits que la banque cherche à imposer

Pour convaincre le banquier de vous octroyer le prêt immobilier, une solvabilité sans faille, un apport personnel conséquent, des revenus confortables et un projet de qualité ne suffisent pas toujours. L’offre de prêt relève du bon vouloir de la banque, et même si vous êtes parfaitement solvable, vous n’avez aucune garantie d’obtenir le financement de votre projet.

Le professionnel joue de sa position dominante et va chercher à placer d’autres produits pour vous capter sur le long terme et optimiser sa rentabilité. C’est de bonne guerre, distribuer des crédits est un acte commercial, certes, régi par les règles du HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière), mais la banque peut vous refuser le crédit si vous ne vous soumettez pas à ses conditions.

Voici les produits ou conditions qui peuvent subordonner l’offre de crédit immobilier.

La domiciliation des revenus

Après de longues années de flou entretenu par une réglementation pour le moins imprécise, la domiciliation bancaire est renvoyée à la négociation commerciale (loi Pacte de mai 2019). Dès lors qu’elle conditionne l’octroi du crédit, elle doit être précisée dans le contrat de crédit et faire l’objet d’un avantage personnalisé et chiffré, indiqué dans une clause spécifique. Il s’agit le plus souvent d’un taux d’intérêts préférentiel.

Il s’avère pourtant difficile pour l’emprunteur d’en mesurer l’avantage financier puisque les taux d’emprunt ne sont pas publics et se négocient au cas par cas.

La domiciliation des revenus est un enjeu important pour la banque. En domiciliant vos revenus et salaires assimilés dans tel établissement, vous devenez un client actif dont on connaît le niveau de rémunération, le train de vie, la capacité d’épargne, autant d’éléments qui vont permettre de vous proposer des produits de placement et des assurances, ainsi que des services payants.

L’offre de prêt doit mentionner les frais bancaires d’ouverture et de tenue de compte engendrés par la domiciliation. Ces frais sont intégrés dans le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) qui prend en compte l’ensemble des dépenses liées à l’obtention du crédit.

L’assurance habitation

Nouveau logement, nouvelle assurance habitation. Une logique commerciale imparable, puisque la MRH ou multirisques habitation est un produit incontournable, que vous soyez propriétaire occupant ou bailleur. La banque va tenter de vous faire comprendre que la souscription à son assurance habitation est une condition obligatoire pour obtenir le prêt. Que nenni ! Vous avez le choix.

Si vous acceptez la MRH bancaire par crainte de ne pas décrocher le financement, vous pouvez vous rattraper dans un deuxième temps. Après une année de souscription, vous pouvez résilier le contrat à tout moment, sans devoir respecter la date d’anniversaire. Sachez par ailleurs que le nouvel assureur peut effectuer toutes les démarches à votre place pour qu’il y ait concordance des dates entre les deux contrats.

Les parts sociales

Les banques mutualistes comme le Crédit Agricole, la Caisse d’Épargne et le Crédit Mutuel demandent systématiquement que leurs clients emprunteurs souscrivent à des parts sociales ; ces derniers deviennent alors sociétaires et détenteurs d’un produit financier difficile à revendre, et qui comporte un risque de perte en capital.

Vous avez le droit de dire non à cette pratique largement répandue, mais la banque mutualiste a aussi le choix de dénier un accord commercial avec un client qui refuse ses parts sociales. Pour inciter l’emprunteur à devenir sociétaire, elle met en avant le principe de solidarité, le droit de vote, la participation aux réunions de sociétaires, et la rémunération annuelle sous forme de dividendes ou d’intérêts.

Assurance de prêt immobilier : le forcing des banques interdit

Il est un produit sur lequel la banque exerce une grosse pression : l’assurance emprunteur. Bien que non obligatoire d’un point de vue légal, l’assurance reste un préalable à l’obtention du crédit pour sécuriser les sommes prêtées en cas d’aléas de la vie (décès, invalidité, incapacité de travail, voire perte d’emploi). La banque est en pole position pour proposer son assurance maison, quitte à faire croire à l’emprunteur que la souscription à cette offre ne souffre aucune alternative.

Non seulement la loi vous permet de choisir librement votre assurance emprunteur (loi Lagarde de septembre 2010), mais elle vous donne le droit d’en changer à tout moment en cours de prêt (loi Lemoine). Si vous sentez que votre financement dépend de la souscription à l’assurance groupe bancaire, signez ! Vous profiterez dans la foulée de la loi Lemoine qui vous autorise à changer d’assurance de prêt immobilier quand vous le souhaitez, sans engagement minimum ni date d’échéance à respecter. 

Pourquoi une telle insistance des banques à souscrire leur assurance emprunteur ? Le produit génère entre 8 et 10 milliards d’euros de cotisations annuelles, et environ 80% de cette manne tombe dans la poche des prêteurs. Grâce à la délégation du contrat, vous pouvez réduire de 60% le coût de l’assurance de prêt et économiser des milliers d’euros sur la durée de votre crédit.

La loi Lemoine 2022 a été adoptée, parce que la délégation peine à s’exercer lors de la demande de prêt. Le rapport du Comité Consultatif du Secteur Financier publié la semaine dernière nous indique un bond de +80% de changements de contrat grâce à la loi Lemoine pour ce produit tout sauf annexe, puisqu’il conditionne l’obtention du crédit immobilier.

Rédigé par Astrid Cousin | Publié le 22/01/2024 | Modifié le 23/01/2024

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HCSF : la réforme du crédit immobilier fait pschitt !

Le miracle n'a pas eu lieu. Débattue à l'Assemblée nationale dans la soirée du lundi 29 avril, la proposition de loi visant à réformer le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a été retirée par son auteur. Portée par le député Lionel Causse, cette initiative avait pour objectif d'assouplir les conditions d'octroi des crédits immobiliers. Des débats houleux qui n'étaient pas à la hauteur de l'enjeu et des amendements en pagaille aboutissent finalement à son abandon. Le HCSF reste « un machin inutile » qui bride l’accès au crédit immobilier à de nombreux ménages pourtant solvables en refusant d’introduire la notion de reste à vivre. Contexte de la réforme du crédit immobilier La proposition de loi portée par un collectif de députés du groupe Renaissance visait à ajuster le fonctionnement du HCSF, organisme chargé de réguler le crédit immobilier en France depuis la crise financière de 2008-2011. Ce dernier émet des recommandations pour prévenir le surendettement des ménages, fixant notamment une limite d'endettement à 35% du revenu des ménages et une durée de remboursement maximale de 25 ans (sauf exception dans le neuf et l’ancien avec travaux de rénovation où elle peut aller jusqu'à 27 ans). Ces consignes sont devenues juridiquement opposables aux banques depuis janvier 2022. Après une année noire pour l’immobilier en 2023 (-40% de production de crédits immobiliers), la proposition de réforme du HCSF visait à ajuster son fonctionnement pour redynamiser le marché. Reste à vivre : une notion oubliée du HCSF Le député Lionel Causse a retiré sa proposition après des débats agités à l'Assemblée nationale. Les amendements adoptés pendant les discussions ont profondément altéré le contenu initial du texte, ce qui a conduit à son abandon. L'auteur de la proposition a justifié ce retrait en arguant que les modifications apportées avaient dénaturé le projet initial. 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La fin de la règle des 35% d’endettement devient l’Arlésienne du crédit immobilier, alors qu’elle relève du bon sens : laisser les banques distribuer des financements selon leurs critères, comme elles l’ont toujours fait avant l’application de la norme. Le taux de défaut de paiement en France est le plus bas d’Europe à moins de 0,80% en raison de l’acuité des prêteurs et non de l'encadrement du crédit. Le HCSF intouchable Malgré le soutien initial du gouvernement, notamment sur la notion de reste à vivre, la proposition a été critiquée par divers acteurs, au premier rang desquels la Banque de France (BdF) et la Banque centrale européenne (BCE). Christine Lagarde, la présidente de la BCE, avait donné un avis négatif sur ce texte, estimant que « ces changements entraînent de facto une dilution de la représentation des organes techniques au sein du HCSF, y compris, mais sans s’y limiter, la Banque de France et l’ACPR ». Lors de l’examen du texte en commission des finances, les députés avaient introduit le fait de laisser entre les mains du gouverneur de la BdF les décisions quant à l’encadrement du crédit. Ce dernier étant farouchement opposé à toute réforme du HCSF, la proposition de réforme amendée n’avait plus aucun sens. Selon les détracteurs du texte, l’introduction de deux parlementaires dans la composition du HCSF aurait risqué de mettre à mal l’indépendance de l’autorité macro-prudentielle en favorisant le lobbying. Le texte initial prévoyait en outre de revoir les règles tous les trois mois, un délai jugé trop strict par la BCE. La rigueur est pourtant bien du côté du HCSF en privant les ménages solvables d’accès au crédit immobilier par l’application à l’aveugle de règles devenues indéfendables. 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La récente baisse des taux d’intérêts redynamise la demande et rend les banques plus concurrentielles, ce qui a peut-être offert un excès de confiance aux parlementaires quant à la normalisation du marché.

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Complémentaire santé solidaire : les salariés y ont-ils droit ?

Depuis novembre 2019, la Complémentaire Santé Solidaire (CSS ou C2S) remplace la CMU-C et l’ACS. Ce dispositif unique donne accès à une mutuelle santé à titre gratuit ou avec une participation forfaitaire minime. Les salariés y sont éligibles mais beaucoup l’ignorent et pensent être obligés de souscrire à la complémentaire santé collective au sein de leur entreprise. Voici les conditions pour bénéficier de la CSS quand on est salarié et son intérêt comparativement à la mutuelle entreprise. La Complémentaire Santé Solidaire accessible aux salariés Selon les données de l’Assurance maladie, 7,31 millions de personnes étaient bénéficiaires de la Complémentaire Santé Solidaire à fin septembre 2023. La plupart y accèdent à titre gratuit (5,68 millions), les autres avec une participation financière minime (1,64 million). Le taux de recours serait optimal si les 3 autres millions de personnes éligibles la réclamaient. Nombreux sont les actifs à ignorer qu’ils ont droit à la CSS, notamment les salariés avec de faibles revenus des secteurs du BTP, des services à la personne ou de la livraison à domicile, comme l’indique l’Assurance maladie. L’accès à la CSS repose sur des critères uniquement financiers, sans aucun lien avec le statut. Toute personne, quelle que soit sa situation, jeune, senior, étudiant, chômeur, actif, allocataire du RSA (Revenue de Solidarité Active), retraité, peut être couvert par la CSS si ses revenus n’excèdent pas les plafonds. Au-delà de 35% des plafonds donnant droit à la CSS gratuite, la contribution financière dépend de l’âge et ne peut excéder 30€ par mois. Les plafonds ont été relevés au 1er avril 2024.     CSS gratuite CSS avec participation financière Nb personnes composant le foyer mensuel annuel mensuel annuel 1 848 € 10 166 € 1 144 € 13 724 € 2 1 271 € 15 249 € 1 715 € 20 586 € 3 1 525 € 18 298 € 2 059 € 24 703 € 4 1 779 € 21 348 € 2 402 € 28 820 € Par personne en + 339 € 4 066 € 457 € 5 490 € Montant de la participation financière (par mois) : jusqu’à 29 ans : 8 € de 30 à 49 ans : 14 € de 50 à 59 ans : 21 € de 60 à 69 ans : 25 € 70 ans et plus : 30 € Vous trouverez tous les détails et la procédure pour faire votre demande sur notre page dédiée à la CSS. Pourquoi certains salariés éligibles ne réclament-ils pas la CSS ? Il faut chercher la réponse du côté de la mutuelle entreprise à adhésion obligatoire. CSS versus mutuelle entreprise L’ANI de 2013 (Accord National Interprofessionnel) a rendu obligatoire la souscription à une mutuelle collective depuis le 1er janvier 2016. Tous les salariés du secteur privé, quels que soient leur statut (cadre, non cadre, ouvrier, employé, dirigeant) et la taille de leur entreprise, doivent adhérer à la complémentaire santé sélectionnée par leur employeur et payée au moins à 50% par ce dernier. Sont également concernés les personnels d'associations. La réglementation tolère toutefois des cas de dispense : Vous êtes déjà couvert par une mutuelle collective en tant qu’ayant droit. Vous êtes salarié en CDD ou de mission de 3 mois ou moins, ou embauché à temps partiel (15 h ou moins par semaine). Vous êtes en CDD de moins ou de plus de 12 mois, si l’acte juridique qui a mis en place la couverture collective prévoit cette possibilité. Vous êtes apprenti. Vous bénéficiez de la CSS. À l’évidence, la CSS gratuite vous permettra de faire des économies tous les mois en renonçant à la mutuelle entreprise. Si vos revenus vous donnent droit à la CSS avec contribution financière, cela vaut peut-être le coup de faire vos calculs. Prenons un exemple : Vous et votre conjoint êtes âgés de moins de 50 ans. Vous avez deux enfants à charge de moins de 29 ans.  La CSS vous coûtera 44€ par mois (2 x 14€ + 2 x 8€).  Le prix moyen d’une mutuelle entreprise est de 105€ par mois, soit une moyenne de 52€ à la charge du salarié. Tout dépend de la cotisation de la mutuelle entreprise, mais aussi du niveau de garanties. La comparaison ne se joue pas uniquement sur le terrain financier. Il serait en effet contre productif de prendre la CSS si la mutuelle entreprise présente une couverture plus intéressante, notamment pour vos ayants droit (prise en charge orthodontie enfant, maternité, médecines douces, dépassements d’honoraires). Il vaut mieux payer quelques euros en plus et minimiser vos restes à charge. Bon à savoir : le contrat collectif comme la CSS sont des mutuelles responsables soumis à un cahier des charges contenant un panier minimum de soins, dont l’application de la réforme 100% Santé qui prévoit zéro reste à charge sur les lunettes de vue, les prothèses dentaires et les aides auditives. Sachez par ailleurs que le renouvellement de la CSS n’est pas automatique sauf pour les bénéficiaires de l’Aspa (Allocation de solidarité aux personnes âgées) et du RSA. Vous devez en faire la demande dans un délai de 2 à 4 mois avant la fin du contrat. Vous pouvez donc reprendre la mutuelle collective si vous estimez que la CSS ne vous convient pas.

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Alerte Presse // Pas de crédit immobilier sans assurance groupe bancaire : le scandaleux chantage des banques

Le marché immobilier se redresse doucement grâce à la baisse des taux d’intérêts depuis début 2024. Les ménages renouent avec les projets immobiliers et les banques accordent davantage de financements. Seulement, les banques prêteuses en profitent pour imposer plus que jamais leur assurance de prêt groupe bancaire à tous leurs clients. "Chez Magnolia.fr, nous avons pu constater que depuis le mois de mars, aucun dossier de nouveau crédit n'est accordé sans l'assurance groupe de la banque. Si cela était plutôt courant, aujourd'hui c'est une constante." précise Astrid Cousin, porte-parole du Groupe Magnolia. Quel objectif pour les banques ? Rentabiliser au maximum le crédit accordé en pratiquant des marges colossales sur l'assurance emprunteur (jusqu'à 70% de marge sur ce type de produit). Rappelons que le marché de l’assurance emprunteur totalise entre 8 et 10 milliards d’euros chaque année, une manne captée à plus de 80% par les bancassureurs. Cette pratique, complètement illégale depuis la Loi Lagarde en 2010, empêche l'emprunteur de profiter de son droit de choisir l'assurance de prêt qu'il souhaite au moment de l'octroi du prêt. "Bien heureusement, l'essentiel de nos clients utilise la Loi Lemoine, en vigueur depuis presque 2 ans, pour changer d'assurance de prêt dès le mois suivant. Cela leur permet de réduire considérablement le coût de leur crédit." explique Astrid Cousin. En effet, en changeant d'assurance de prêt, l'emprunteur économise en moyenne 15 000 euros sur la durée de son crédit.