PER et IFI : analyse détaillée des interactions fiscales
La question de l'assujettissement du Plan Épargne Retraite (PER) à l'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) mérite une clarification. L’administration fiscale a apporté la réponse en février 2023. Avant d’aborder l’incidence d’un PER sur l’IFI, il convient de rappeler les caractéristiques de cet impôt dont sont redevables les plus gros contribuables.
Qu’est-ce que l'IFI ?
L'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) est un dispositif fiscal français qui a remplacé l'ISF (Impôt de Solidarité sur la Fortune) en 2018. Contrairement à son prédécesseur qui ciblait l'ensemble du patrimoine, l'IFI se concentre uniquement sur les actifs immobiliers.
L’IFI concerne les personnes physiques vivant seules ou en couple quel que soit leur régime matrimonial. Sont pris en compte dans la déclaration les biens des enfants mineurs dont les parents gèrent l’administration légale.
Principes de taxation
Seuil d'Imposition :
L'IFI ne concerne que les contribuables dont le patrimoine immobilier net dépasse 1,3 million d'euros. Ce seuil permet d'exonérer la grande majorité des propriétaires français. En 2023, 175 980 foyers fiscaux ont payé l’IFI, ce qui a rapporté 1,95 milliard d’euros à l’État.
Barème progressif :
Le seuil d’imposition correspond à un patrimoine net taxable de 1,3 million d’euros, mais le calcul de l’IFI commence à 800 000€. Le taux d'imposition est calculé de manière progressive :
Valeur du patrimoine net taxable |
Taux de l’IFI |
Fraction entre 0 et 800 000 € |
0 % |
Fraction entre 800 001 et 1 300 000 € |
0,5 % |
Fraction entre 1 300 001 et 2 570 000 € |
0,7 % |
Fraction entre 2 570 001 et 5 000 000 € |
1 % |
Fraction entre 5 000 001 et 10 000 000 € |
1,25 % |
Fraction supérieure à 10 000 000 € |
1,5 % |
Exemple avec un patrimoine net taxable de 2 millions d’€ :
800 000 x 0% + (1 300 000 - 800 000) x 0,5% + (2 000 000 – 1 300 000) x 0,7% = 7 400 €
Quels placements sont imposables à l’IFI ?
Sont soumis à l'IFI les biens suivants :
- Résidences principales et secondaires, ainsi que leurs dépendances
- Logements mis en location
- Terrains constructibles et agricoles
- Parts de sociétés immobilières
- Droits réels immobiliers (hors biens professionnels)
- Monuments historiques
Quels sont les biens exonérés de l’IFI ?
Plusieurs actifs échappent à la taxation :
- Biens professionnels
- Bois et forêts
- Biens ruraux loués par bail long terme
La résidence principale est soumise à l’IFI après un abattement forfaitaire de 30%.
Stratégies d'optimisation
Il existe des techniques de réduction de l’IFI par :
- Dettes existantes au 1er janvier de l’année d’imposition liées à l’acquisition, construction ou rénovation des biens immobiliers
- Investissement en nue-propriété
- Dons aux organismes éligibles dans la limite de 50 000 € par an
- Donation temporaire d’usufruit en conservant la nue-propriété
- Investir en SCPI (Société Civile de Placement Immobilier)
Déclaration et paiement de l’IFI
La déclaration s'effectue :
- Simultanément à la déclaration de revenus
- Via le formulaire 2042-IFI
- Avant fin mai/début juin
- Uniquement en ligne depuis 2019
L'IFI est un mécanisme fiscal complexe qui nécessite une compréhension fine et une stratégie patrimoniale adaptée. Chaque situation est unique et mérite une analyse personnalisée.
Il est fortement conseillé de consulter un expert-comptable ou un conseiller patrimonial pour optimiser sa stratégie et minimiser sa taxation.
PER et IFI : quel rapport ?
L'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) cible spécifiquement les actifs immobiliers. Son périmètre d'imposition est strictement défini par la loi, ce qui soulève des interrogations sur le traitement des produits financiers comme le Plan d’Épargne Retraite ou PER.
Le lien entre le PER et l’IFI n’est pas évident de prime abord, puisque le PER est un outil de capitalisation pour la retraite. Or, il peut contenir des actifs immobiliers, d’où la question légitime de la fiscalité de ces placements si vous êtes éligible à l’IFI.
Avant d’aborder la problématique de l’assujettissement du PER à l’IFI, faisons un court rappel de la fiscalité du PER.
Quel est le statut fiscal du PER ?
Le PER est un produit d'épargne financière qui se distingue clairement des investissements immobiliers. Sa finalité est d’apporter un complément de revenus à la retraite sous forme de rente viagère ou de capital. Il se dénoue au moment de la retraite, mais le déblocage anticipé est autorisé par l’administration en cas d’accidents de la vie.
La structure complexe du PER implique plusieurs mécanismes de détention et de valorisation.
Composition du PER
Un PER se présente sous 2 formes, PER assurantiel ou PER bancaire, chaque type de contrat pouvant contenir différents types d'actifs :
- Supports en euros
- Supports en unités de compte
- Actions
- Obligations
- Fonds communs de placement
Fiscalité du PER
Le PER offre des avantages fiscaux attractifs, aussi bien à l’entrée qu’à la sortie, faisant de lui un outil essentiel d’optimisation fiscale pour les particuliers.
Avantages fiscaux à l’entrée :
Les versements volontaires effectués sur un PER sont déductibles du revenu imposable, dans la limite de :
- 10 % des revenus professionnels nets imposables, plafonnés à 32 419 € en 2024,
- Ou 10 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS), soit 4 113 € minimum en 2024.
Cette déduction permet de réduire l’impôt sur le revenu, particulièrement avantageuse pour les contribuables situés dans des tranches marginales d’imposition élevées.
Fiscalité en phase d’épargne :
Pendant la durée du contrat, les fonds placés dans le PER ne sont pas imposés, qu’il s’agisse des intérêts générés ou des plus-values. Cela favorise une accumulation optimale du capital, en différant l’imposition à la sortie.
Fiscalité à la sortie :
La fiscalité dépend du mode de sortie choisi :
- En capital :
- Les versements déduits sont soumis à l’impôt sur le revenu.
- Les gains sont taxés selon le prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30 %.
- En rente viagère : La rente est imposée selon le régime des pensions de retraite, avec un abattement de 10 %.
Cas particuliers :
En cas de sortie anticipée pour accidents de la vie (décès du conjoint, invalidité de 2ème ou 3ème catégorie, liquidation judiciaire, expiration des droits au chômage, surendettement), seuls les gains issus des placements sont soumis aux prélèvements sociaux à hauteur de 17,2%.
Dans le cadre de l’acquisition de votre résidence principale, seules les sommes issues des versements volontaires et de l’épargne salariale (hors primes d’intéressement et participation) de votre PER peuvent être débloquées par anticipation. Ces sommes sont soumises à l’impôt sur le revenu si vous avez opté pour la déductibilité de vos versements.
Les gains sont assujettis au PFU (Prélèvement Forfaitaire Unique) de 30%. Dans le cas contraire, le capital correspondant aux versements est exonéré d’impôt, seuls les gains sont imposés au PFU.
Le PER combine souplesse d’utilisation et optimisation fiscale, mais nécessite une gestion adaptée à votre situation patrimoniale pour maximiser ses bénéfices.
Analyse détaillée de l'assujettissement du PER à l'IFI
Règle générale : exclusion du PER
Le PER n'est pas soumis à l'IFI dans sa phase d’épargne, car il est réputé non rachetable. Mais en cas de rachat avant la date de liquidation pour motifs autorisés, cette affirmation doit être nuancée, car certains contrats de PER peuvent inclure des supports immobiliers :
- SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier)
- SCI (Sociétés Civiles Immobilières)
- OPCI (Organismes de Placement Collectif Immobilier)
La prise en compte des actifs immobiliers contenus dans le PER dans l’assiette de l’IFI dépend de la forme du PER.
Assujettissement à l’IFI du PER assurantiel
Si vous êtes redevable de l’IFI, vous devez intégrer les UC investies en immobilier de votre PER dans l’assiette de cet impôt, uniquement si le contrat est rachetable.
Votre PER assurantiel est réputé rachetable dans les situations suivantes :
- Vous avez atteint l’âge légal de départ à la retraite (64 ans actuellement)
- Vous avez liquidé vos droits dans un régime obligatoire d’assurance-vieillesse
- Vous êtes éligible au déblocage anticipé du plan (accidents de la vie, achat de la résidence principale).
Le caractère rachetable du PER est admis par défaut dès lors que l'événement permettant le déblocage anticipé du plan existe. Même si vous ne demandez pas le déblocage des fonds, les actifs imposables à l’IFI doivent être obligatoirement déclarés.
Tant que le PER assurantiel est non-rachetable, les actifs immobiliers restent exclus de l’assiette de l’IFI.
Assujettissement à l’IFI du PER bancaire
La question du caractère rachetable ou non rachetable du PER n’entre pas en ligne de compte dans le cadre d’un contrat bancaire ou compte-titres. Le PER est soumis à l’IFI si vous êtes redevable de cet impôt, dès lors que votre contrat contient des actifs immobiliers.
Toutefois, l’administration fiscale admet que les droits détenus sur certains organismes de placement collectif sont exclus de l’assiette de l’IFI si les 3 conditions suivantes sont respectées (article 972 bis du CGI) :
- Vous détenez moins de 10% des droits de l’organisme de placement collectif (seul ou conjointement avec les autres membres du foyer fiscal).
- L’organisme de placement collectif est composé, directement ou indirectement, de moins de 20% d’actifs immobiliers.
- L’organisme fait partie des organismes mentionnés par l' article 972 bis du CGI.
Consultez votre expert-comptable pour une déclaration conforme.
Les règles fiscales du PER et de l’IFI peuvent-elles changer ?
Oui, la fiscalité évolue régulièrement. Une veille active est recommandée.
Le projet de loi de finances 2025 (PLF 2025) prévoit notamment de plafonner l’âge de souscription à un PER à 64 ans pour limiter le risque d’optimisation fiscale. Un amendement prévoit également de réintégrer les sommes perçues par les héritiers dans l’assiette de l’impôt sur le revenu en cas de décès du titulaire avant la liquidation du PER. Un autre amendement propose d’aligner la fiscalité du PER assurantiel et celle du PER bancaire dans le cadre de la transmission.
Dans ce même PLF 2025, les sénateurs ont adopté 2 amendements qui transforment l’IFI en « impôt sur la fortune improductive », c’est-à-dire que l’assiette porterait sur le patrimoine passif qui ne contribue pas à la croissance économique. La réponse finale interviendra à l’issue de la navette parlementaire autour du 21 décembre.