Calcul des droits de succession en assurance vie : règles, exemples et conseils
L’assurance vie demeure le placement préféré des Français avec un encours de plus de 2 000 milliards d’euros. Ce type de placement offre à la fois la possibilité de valoriser son épargne et de léguer un capital à ses proches. L’un de ses atouts majeurs réside dans son régime fiscal particulièrement avantageux, notamment en matière de succession. Les règles qui encadrent les droits de succession en assurance vie sont toutefois complexes, soumises à plusieurs conditions : âge du souscripteur lors des versements, date de souscription, lien de parenté avec le ou les bénéficiaires, antériorité du contrat. Voici tout ce qu’il faut savoir pour calculer les droits de succession sur une assurance vie.
Est-ce que l’assurance vie entre dans la succession ?
Un contrat hors succession (en théorie)
L’assurance vie est un contrat d’assurance sur la tête du souscripteur qui permet, en cas de décès, de transmettre un capital au(x) bénéficiaire(s) désigné(s). Ce capital ne fait pas partie de la succession légale. C’est un des avantages de l’assurance vie : les règles de réserve héréditaire ne s’appliquent pas, du moins en apparence.
En effet, les primes versées de manière exagérée peuvent être réintégrées à la succession sur demande d’héritiers réservataires lésés (article L132-13 du Code des assurances). Ce principe s’applique notamment en cas de détournement de patrimoine.
Quelle est l’importance de la clause bénéficiaire ?
La rédaction de la clause bénéficiaire joue un rôle central dans un contrat d’assurance vie, car elle permet de choisir librement le ou les bénéficiaires du capital au moment du décès. Une rédaction floue, incomplète ou absente peut entraîner des conséquences fiscales désastreuses.
Conseil : pour une transmission efficace, veillez à nommer vos bénéficiaires de l’assurance vie de manière précise (nom, prénom, date de naissance, lien de parenté) et à mettre à jour la clause en cas de changement de situation (divorce, décès, nouvelle union…).
Comment sont calculés les droits de succession de l’assurance vie en cas de décès ?
Les versements de l’assurance vie, ainsi que les gains réalisés, ne sont pas assujettis aux droits de succession. L’épargne constituée échappe à la fiscalité classique applicable lors du décès d’un parent et bénéficie d’un régime spécifique plus avantageux.
Le régime fiscal spécifique de l’assurance vie
La fiscalité successorale de l’assurance vie repose principalement sur l’âge du souscripteur au moment du versement des primes, et non à la date de décès :
Âge au moment du versement |
Régime applicable |
Abattement |
Taux d’imposition |
Avant 70 ans |
Article 990 I du CGI |
152 500 € par bénéficiaire |
20 % jusqu’à 700 000 €, puis 31,25 % |
Après 70 ans |
Article 757 B du CGI |
30 500 €, tous bénéficiaires confondus |
Droits de succession classiques (après abattement) Exonération des intérêts |
À noter :
- Les intérêts générés par les primes versées après 70 ans sont exonérés de droits de succession.
- Ces 2 régimes coexistent si des versements ont été réalisés avant et après 70 ans.
Fiscalité successorale classique selon le lien de parenté
Il ne faut pas confondre les règles fiscales hors succession spécifiques de l’assurance vie lors du décès du souscripteur et les règles de succession traditionnelle.
Dans le cadre d’une succession classique, la fiscalité prévoit l’application de droits de succession, c’est-à-dire des prélèvements imposés aux héritiers sur la part d’héritage reçue.
Ces droits ne s’appliquent qu’au-delà de certains seuils d’exonération, qui varient selon le lien de parenté entre le défunt et ses héritiers.
Comprendre ces mécanismes est essentiel pour anticiper la charge fiscale liée à la transmission du patrimoine, en particulier lorsqu’on ne tient pas compte du régime particulier de l’assurance vie.
Lien de parenté |
Abattement |
Taux des droits de succession |
Enfant |
100 000 € (au décès de chacun des 2 parents) |
Taux progressif de 5% jusqu’à 8 072 € jusqu’à 45% au-dessus de 1 805 677 € |
Petit-enfant |
31 865 € |
Taux progressif de 5% jusqu’à 8 072 € jusqu’à 45% au-dessus de 1 805 677 € |
Frère/Sœur |
15 932 € |
35% jusqu’à 24 430 € 45% au-delà |
Neveu/Nièce |
7 967 € |
55% |
Autre héritier ou tiers |
1 594 € |
60% |
Si le bénéficiaire est une personne handicapée, elle bénéficie d’un abattement spécifique de 159 325€ cumulable avec les autres abattements personnels (sauf éventuel abattement de 1 594€). Le barème d’imposition dépend ensuite du lien de parenté avec le souscripteur.
L’abattement de 152 500€ dans le cadre d’une assurance vie et l’abattement successoral de 100 000€ ne sont pas cumulables, car il s’agit de 2 régimes distincts. Cela vaut pour les autres cas de figure.
Qui sont les bénéficiaires d’une assurance vie exonérés de droits de succession ?
Exonération pour le conjoint survivant
Depuis la loi TEPA (2007), le conjoint marié ou partenaire de PACS est totalement exonéré de droits de succession, quelle que soit la date ou l’âge au moment des versements. Cela vaut aussi bien pour les contrats relevant de l’article 990 I que du 757 B.
Exonération pour certains frères et sœurs
Un frère ou une sœur peut également bénéficier d’une exonération sous 3 conditions cumulatives :
- Être célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps ;
- Avoir plus de 50 ans ou être atteint d'une infirmité rendant impossible toute activité professionnelle ;
- Avoir vécu avec le défunt de façon continue pendant les 5 années précédant le décès.
Exemples concrets de calcul des droits de succession en assurance vie
Exemple 1 : Versements avant 70 ans
Madame Dupont a versé 400 000 € sur un contrat d’assurance vie avant ses 70 ans. Elle désigne son fils comme bénéficiaire unique.
- Abattement de 152 500 €
- Capitaux taxables : 400 000 € – 152 500 € = 247 500 €
- Impôt à payer : 49 500 € (247 500 x 20%)
Exemple 2 : Versements après 70 ans
Monsieur Martin a versé 60 000 € après ses 70 ans. Il désigne sa fille unique.
- Abattement global : 30 500 €
- Somme imposable : 60 000 – 30 500 = 29 500 €
- Abattement légal enfant : 100 000 € (non atteint)
- Aucun droit à payer, puisque le total des biens transmis reste inférieur à l’abattement.
Exemple 3 : Contrat multi-bénéficiaires
Madame Morel a versé 600 000 € avant ses 70 ans. Elle désigne ses 2 enfants en parts égales.
- Chaque bénéficiaire reçoit 300 000 €
- Abattement de 152 500 € / personne
- Capitaux taxables par bénéficiaire : 147 500 €
- Impôt (20 %) : 29 500 € par bénéficiaire
- Total dû : 59 000 €
Cas particuliers de calcul des droits de succession de l’assurance vie
Les règles ci-dessus s’appliquent pour les contrats d’assurance vie souscrits après le 20 novembre 1991 et dont les versements ont été effectués après le 13 octobre 1998. Pour les assurances vie avec des dates de souscription et de versements différentes, le calcul des droits de succession suit d’autres règles fiscales.
Comme indiqué plus haut, la fiscalité au décès varie selon 3 éléments clés :
- la date de souscription du contrat
- la date des versements effectués
- l’âge de l’assuré au moment de ces versements.
Ces critères conditionnent directement le régime fiscal applicable lors de la transmission du capital aux bénéficiaires.
Contrats souscrits avant le 20 novembre 1991
Pour les contrats plus anciens, c’est-à-dire ouverts avant le 20 novembre 1991, la fiscalité en cas de décès dépend aussi de la date des versements.
- Versements effectués avant le 13 octobre 1998
Dans cette configuration, l’intégralité du capital versé est exonérée de droits de succession, sans considération de l’âge de l’assuré. C’est le cas le plus avantageux : aucune imposition, aucun plafonnement, tous les bénéficiaires reçoivent leur part nette de fiscalité.
- Versements réalisés après le 13 octobre 1998
Les versements postérieurs à cette date sont soumis à un régime bien différent. On applique alors les règles de l’article 990 I du Code général des impôts :
- Chaque bénéficiaire a droit à un abattement individuel de 152 500 € sur les capitaux reçus.
- Au-delà de ce seuil, la taxation est progressive :
- 20 % sur la tranche allant de 152 500 à 852 500 €,
- 31,25 % au-delà de 852 500 €.
Ce régime reste malgré tout plus favorable que celui des droits de succession classiques, notamment pour les bénéficiaires qui ne sont pas des héritiers directs.
Contrats souscrits après le 20 novembre 1991 avec des versements antérieurs au 13 octobre 1998
Il existe une situation particulière : celle des contrats ouverts après le 20/11/1991, mais alimentés avant le 13/10/1998. Dans ce cas, l’imposition dépend de l’âge du souscripteur au moment des versements.
- Primes versées avant 70 ans : ces montants sont exonérés de droits de succession, quel que soit le lien de parenté entre le défunt et les bénéficiaires. Le capital est transmis intégralement, sans taxation.
- Primes versées après 70 ans : un abattement global de 30 500 € s’applique à l’ensemble des contrats souscrits par le défunt, tous bénéficiaires confondus. Au-delà de cette somme, les capitaux transmis sont imposés selon le barème des droits de succession classique, comme s’il s’agissait d’une transmission successorale ordinaire. Toutefois, les intérêts et plus-values générés sur ces versements restent exonérés.
Ce régime hybride, souvent méconnu, constitue une opportunité intéressante pour ceux qui ont anticipé leur transmission avant octobre 1998, même après leur 70ème anniversaire.
Comment optimiser la fiscalité successorale d’une assurance vie ?
- Effectuer les versements avant 70 ans
Le premier levier fiscal consiste à alimenter son contrat avant 70 ans, afin de bénéficier de l’abattement individuel de 152 500 € par bénéficiaire, beaucoup plus généreux que celui après 70 ans (30 500 € global).
- Diversifier les bénéficiaires
Plus vous répartissez votre capital entre plusieurs bénéficiaires, plus vous optimisez les abattements. Exemple : un capital de 450 000 € versé avant 70 ans à 3 bénéficiaires permet d’utiliser 457 500 € d’abattements (152 500 x 3).
- Souscrire plusieurs contrats
Il peut être pertinent de souscrire plusieurs contrats en fonction de la stratégie successorale : un contrat pour les enfants, un autre pour un conjoint, etc. Cela permet une gestion personnalisée des bénéficiaires et des supports d’investissement.
- Actualiser régulièrement la clause bénéficiaire
Votre clause doit évoluer avec votre situation familiale. Une clause obsolète peut entraîner une requalification fiscale ou l’attribution à des bénéficiaires non souhaités.