Lorsqu’on souscrit un crédit immobilier, l’assurance emprunteur s’impose souvent comme une condition sine qua non à l’obtention du financement. Pourtant, beaucoup d’emprunteurs la considèrent comme une dépense superflue. Contrairement à l’assurance-vie ou à un produit d’épargne, elle ne permet pas de récupérer les cotisations versées si aucun sinistre ne survient : elle est dite à fonds perdus. Cependant, il ne faut nullement la négliger, car son rôle est fondamental : elle protège à la fois l’assuré et la banque contre les aléas de la vie.
L’assurance emprunteur, une couverture sans primes restituées
Contrairement à l’assurance vie, l’assurance emprunteur n’a aucune vocation d’épargne. Elle sert uniquement à garantir le remboursement du prêt en cas de décès, d’invalidité, d’incapacité de travail ou, parfois, de perte d’emploi.
Chaque cotisation payée couvre une période précise, généralement un mois ou une année. La cotisation est définitivement acquise à l’assureur, qu'un sinistre survient ou non. En clair, vous payez pour être protégé, mais sans espoir de récupérer vos cotisations.
C’est pourquoi on parle d’une assurance à fonds perdus, à l’image de votre assurance habitation ou auto. L’assurance couvre un aléa, mais si cet évènement non prévisible ne survient pas, les primes sont conservées par l’assureur.
Pourquoi parle-t-on d’assurance à fonds perdus ?
Le terme « à fonds perdus » peut paraître négatif, mais il décrit simplement la nature de ce type d’assurance. Cela signifie que les primes restent définitivement acquises à l’assureur si le risque garanti ne se réalise pas.
Prenons un exemple :
- Vous souscrivez une assurance emprunteur en 2025 pour couvrir un prêt sur 20 ans.
- Chaque année, vous versez une prime de 500 €.
- Si, durant ces 20 années, aucun accident, décès ou invalidité ne survient, les 10 000 € versés (500 € × 20 ans) ne vous seront pas restitués.
En revanche, si vous décédez la deuxième année du contrat, l’assureur remboursera immédiatement le capital restant dû à la banque. Dans ce cas, la couverture joue pleinement son rôle protecteur.
Autrement dit, l’assurance emprunteur n’est pas un placement, mais une sécurité financière qui permet d’éviter à vos proches de supporter le poids du crédit en cas de coup dur.
Une assurance temporaire mais essentielle
L’assurance emprunteur est une assurance temporaire : elle prend effet à la date de signature du contrat de prêt et s’éteint automatiquement à son remboursement intégral. Une fois le crédit terminé, le contrat est clos et aucune restitution de cotisation n’est possible.
Certaines garanties d’assurance de prêt immobilier peuvent également cesser automatiquement à un âge donné, souvent entre 65 et 70 ans, notamment les garanties invalidité et incapacité. Ce caractère temporaire explique la notion d’« assurance à fonds perdus » : vous payez pour une période de couverture définie, et non pour constituer un capital.
Mais il ne faut pas oublier que sans cette assurance, la banque refuserait d’octroyer le prêt, car elle serait exposée à un risque de non-remboursement.
Les assurances à fonds perdus : comment les reconnaître ?
L’assurance emprunteur n’est pas la seule à fonctionner selon le principe des cotisations non restituées. Les contrats de prévoyance suivent le même modèle.
Des garanties sans valeur de rachat
Les assurances à fonds perdus regroupent toutes les couvertures qui ne comportent aucune épargne et aucune valeur de rachat. Le montant versé sert uniquement à vous protéger pendant la durée du contrat. Si rien ne se passe, les cotisations sont définitivement perdues.
Voici quelques exemples :
- La garantie des accidents de la vie (GAV) : elle indemnise les accidents domestiques, de loisirs ou de la route lorsqu’il n’y a pas de tiers responsable.
- L’assurance décès temporaire : elle verse un capital à vos proches uniquement si le décès intervient avant la fin du contrat.
- La prévoyance professionnelle (loi Madelin) : destinée aux travailleurs indépendants, elle assure leurs revenus en cas d’arrêt de travail, mais ne prévoit aucune restitution des cotisations.
Il en est de même de la mutuelle santé : les primes couvrent un aléa de santé et sont conservées par le prestataire indépendemment du fait que vous ayez ou non été malade. Ces contrats reposent sur le même principe que l’assurance emprunteur : on paie pour être protégé, pas pour épargner.
Une couverture qui peut se révéler très avantageuse
Si le sinistre garanti survient, ces assurances peuvent au contraire se révéler extrêmement profitables. En effet, même après une seule année ou quelques mois de cotisation (après éventuels délais de carence et de franchise), l’assureur verse la prestation à la hauteur des garanties souscrites.
Dans le cas de l’assurance emprunteur, cela signifie que le capital restant dû du prêt peut être intégralement remboursé, protégeant ainsi la famille du défunt ou de la personne invalide.
Ce mécanisme de mutualisation du risque explique le fonctionnement même des assurances : les cotisations de tous servent à indemniser ceux qui subissent un sinistre.
Assurance obsèques : une exception notable
Contrairement à l’assurance emprunteur ou à la prévoyance, l’assurance obsèques n’est pas à fonds perdus. Elle est valable jusqu’au décès de l’assuré, quelle qu’en soit la date. Le capital constitué est nécessairement versé, soit à un proche dûment désigné pour régler la facture d’obsèques, soit à une entreprise de pompes funèbres pour couvrir les frais d’obsèques à hauteur des garanties.
C’est donc une assurance dont le dénouement est certain, et non conditionné à la survenue d’un sinistre imprévisible.
Assurance de prêt : une dépense indispensable malgré son caractère « à fonds perdus »
Certes, l’assurance emprunteur ne permet pas de récupérer son argent, mais elle évite de mettre en péril la stabilité financière d’une famille. En cas de décès ou d’invalidité, elle prend en charge le remboursement du prêt et empêche la vente forcée du bien immobilier.
C’est un véritable filet de sécurité, souvent perçu comme une contrainte financière, mais qui se révèle inestimable lorsqu’un sinistre survient.
De plus, depuis la loi Lemoine (2022), les emprunteurs peuvent changer d’assurance à tout moment pour faire jouer la concurrence et réduire le coût global du contrat. Cela permet de mieux adapter les garanties à sa situation et de payer moins cher pour une couverture équivalente.
Bon à savoir
- Il est possible de choisir une délégation d’assurance, c’est-à-dire de souscrire un contrat auprès d’un assureur externe à la banque.
- Les économies réalisées peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros sur la durée du prêt.
- Même si elle reste « à fonds perdus », l’assurance emprunteur peut être optimisée grâce à un bon comparatif.
Peut-on quand même se faire rembourser l’assurance emprunteur en fin de prêt ?
Peu d’emprunteurs le savent, mais il est parfois envisageable d’obtenir un remboursement partiel de l’assurance emprunteur à la fin d’un crédit immobilier. Ce droit repose sur un dispositif légal bien précis, lié à la participation aux bénéfices techniques et financiers des contrats d’assurance comme cela existe en assurance vie.
Un mécanisme encadré par la loi
Lorsqu’une compagnie d’assurance dégage un excédent sur un contrat collectif, c’est-à-dire lorsque les sinistres sont peu nombreux ou les primes plus élevées que les risques réels, elle doit en principe répartir une partie de ces bénéfices entre les assurés.
Ce principe, instauré par la loi du 31 décembre 1989 et inscrit à l’article L331-3 du Code des assurances, impose aux assureurs de reverser une fraction des gains réalisés sur certains contrats. En assurance emprunteur, il concerne uniquement les contrats émis entre 1996 et 2005, mais les établissements bancaires et assureurs ont préféré garder les excédents sans les redistribuer.
Face à ces pratiques, plusieurs décisions de la Cour de cassation ont donné raison aux emprunteurs, contraignant certaines compagnies à rembourser les sommes non reversées. Ces jugements ont ainsi ouvert la voie à des demandes de restitution rétroactives, même plusieurs années après la fin du prêt.
À la discrétion des assureurs, le taux de restitution peut osciller entre 10% et 25% des cotisations versées.
Quels sont les emprunteurs concernés ?
Ce droit au remboursement ne concerne pas tous les contrats. Pour être éligible, plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies.
- Une souscription entre 1996 et 2005
La période clé correspond aux années durant lesquelles le mécanisme de participation aux bénéfices n’était pas toujours appliqué. Les contrats souscrits en dehors de ce créneau ne sont, en général, pas concernés.
- Un contrat d’assurance de groupe
Le dispositif vise essentiellement les contrats collectifs, c’est-à-dire ceux proposés par les banques pour couvrir un grand nombre d’emprunteurs au sein d’un même cadre contractuel. Les assurances individuelles souscrites auprès d’un assureur externe ne sont donc pas visées.
- Aucun sinistre survenu pendant le prêt
L’assuré ne doit avoir déclaré aucun incident (invalidité, incapacité de travail, décès ou perte d’emploi) ayant entraîné une prise en charge des mensualités par l’assurance. Si une indemnisation est intervenue, le droit à restitution ne s’applique plus.
- Une action intentée dans les délais
La demande de remboursement doit être formulée dans les 2 ans suivant la clôture du crédit, c’est-à-dire après le paiement de la dernière échéance. Passé ce délai, l’action est considérée comme prescrite.
- Un contrat intégrant une participation aux bénéfices
Tous les contrats d’assurance de groupe ne comportent pas cette clause. Pour vérifier son éligibilité, il est essentiel de relire attentivement les conditions générales du contrat et de repérer la mention d’une « participation aux bénéfices techniques et financiers ».
On ne sait pas combien d'emprunteurs ont pu se faire rembourser une partie de leurs cotisations. Sans doute peu, car l'information quant à la possibilité de restitution est restée sous le manteau.
Remboursement de l’assurance emprunteur : que dit la loi en 2025 ?
Aujourd’hui, il est quasiment impossible de se faire rembourser les primes d’assurance emprunteur en fin de prêt en l’absence de sinistre. La loi n’est pas claire. Les banques se réfèrent à l’article A331-3 du Code des assurances qui exclut de fait les contrats collectifs en cas de décès de la participation aux bénéfices techniques.
Pourtant, en juillet 2012, une décision du Conseil d’État avait jugé cet article entaché d’illégalité dans sa version antérieure à l’arrêté du 23 avril 2007, suite au contentieux entre l’association UFC-Que Choisir, la Caisse d’Épargne et CNP Assurances. Malheureusement, le texte est vague car il ne mentionne pas l’assurance emprunteur comme étant concernée par le versement aux souscripteurs de la participation aux bénéfices, ni qu’elle est assimilée à une assurance collective en cas de décès.
La loi Lemoine de 2022 n’impose pas directement une transparence sur les ratios sinistres/primes qui aurait pu ouvrir le droit aux assurés de participer aux profits techniques et financiers. Elle vise notamment à encourager la concurrence en donnant l’opportunité à tous de changer d’assurance de prêt immobilier à tout moment. Cela a largement contribué à tirer les prix vers le bas sans perdre en qualité de couverture. Selon le courtier Magnolia.fr, les tarifs en assurance emprunteur ont baissé de 27% depuis 2020.
L’assurance emprunteur peut sembler une dépense injuste parce qu’elle ne restitue rien si tout va bien. Pourtant, son rôle est capital : protéger le foyer et le patrimoine en cas de coup dur. Oui, c’est une assurance à fonds perdus, mais c’est surtout un gage de sécurité et de sérénité pour toute la durée de votre crédit immobilier. La délégation permet d’optimiser son coût.