Acheter un logement à deux reste l’un des grands projets de vie des Français. Pourtant, la situation conjugale des acheteurs a profondément évolué. Selon l’INSEE, près d’un tiers des acquisitions immobilières sont désormais réalisées par des couples non mariés ou pacsés. Une tendance qui traduit la diversité des formes de vie commune, mais qui soulève aussi des questions juridiques et financières complexes.
Car si emprunter à deux permet de renforcer son dossier bancaire et d’accéder plus facilement à la propriété, il ne faut pas sous-estimer les implications qui en découlent : solidarité entre co-emprunteurs, responsabilités partagées, conséquences en cas de séparation ou de décès. Autant d’enjeux que les banques, les notaires et les emprunteurs doivent anticiper pour sécuriser le projet.
Dans ce guide, nous proposons un décryptage clair et pratique des solutions existantes selon votre statut conjugal, mariage, pacs ou union libre, afin de vous aider à choisir la formule la plus adaptée et à protéger durablement vos intérêts.
Pourquoi souscrire un prêt immobilier en couple ?
Acheter à deux ne se limite pas à une démarche affective : c’est aussi une stratégie financière et patrimoniale.
Cumuler vos revenus pour augmenter votre capacité d’emprunt
Emprunter à deux, c’est d’abord présenter un dossier plus attractif aux yeux des banques. En effet, les revenus combinés des partenaires permettent d’augmenter la capacité d’endettement et donc d’accéder à un financement plus important. Cela se traduit par une possibilité d’acheter un logement plus grand, mieux situé ou de négocier de meilleures conditions de taux.
Prenons un exemple concret :
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Situation |
Revenus nets mensuels |
Capacité d’emprunt sur 20 ans à 4,2 % (35 % d’endettement) |
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Emprunteur seul |
2 000 € |
≈ 130 000 € |
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Couple (2 × 2 000 €) |
4 000 € |
≈ 260 000 € |
Cette différence est significative : à revenus égaux, un couple double sa capacité d’achat par rapport à un emprunteur seul.
Mais l’avantage ne se limite pas à la capacité de remboursement. L’apport personnel est lui aussi renforcé lorsqu’il est constitué à deux. En cumulant leurs économies, les partenaires peuvent atteindre plus facilement le seuil des 10 % à 20 % du prix du bien exigé par la plupart des établissements prêteurs. Or un apport plus élevé réduit le risque pour la banque et améliore les conditions de financement (taux plus bas, frais annexes négociés, meilleure flexibilité sur l’assurance).
En résumé, acheter à deux permet de sécuriser le projet, de gagner en pouvoir d’achat immobilier et de négocier plus efficacement avec son banquier.
La solidarité entre co-emprunteurs : un engagement total
Lorsque deux personnes signent un même contrat de prêt, elles deviennent co-emprunteurs solidaires. Cette solidarité est dite active et passive :
- Active, car la banque peut exiger le remboursement de la dette auprès de l’un ou de l’autre, sans distinction.
- Passive, car chaque co-emprunteur reste tenu de l’intégralité de la dette, même si l’autre ne peut plus payer.
Exemple concret : un couple contracte un prêt immobilier de 200 000 €. En cas de défaillance de l’un, la banque peut exiger de l’autre le remboursement des mensualités dans leur totalité, de même que la part qui ne lui incombait pas au départ.
Cela signifie que même en cas de séparation ou de conflit, la responsabilité financière demeure commune tant que le prêt n’est pas soldé ou qu’une désolidarisation officielle n’a pas été acceptée par la banque.
C’est pourquoi il est essentiel d’anticiper cette solidarité, en prévoyant par exemple un contrat adapté (convention d’indivision, SCI, clauses protectrices) ou en ajustant les quotités d’assurance emprunteur pour équilibrer la charge des risques.
Prêt immobilier et mariage : quels impacts selon le régime matrimonial ?
Se marier clarifie le cadre juridique lors d’un achat immobilier, mais tout dépend du régime matrimonial choisi. Communauté réduite aux acquêts, séparation de biens ou communauté universelle : chaque formule implique une répartition différente de la propriété et des dettes.
Communauté réduite aux acquêts : la solution par défaut
Si les époux n’ont pas signé de contrat, ce régime s’applique par défaut.
- Tous les biens achetés après le mariage sont communs, même si un seul conjoint finance l’acquisition.
- Les dettes contractées pour le logement engagent les deux.
- En cas de décès, le conjoint survivant bénéficie d’une protection renforcée (article 1401 du Code civil).
Séparation de biens : protéger son indépendance financière
Ce régime permet à chacun de rester propriétaire de ce qu’il finance, utile notamment en cas d’écart de revenus.
- Chaque conjoint reste propriétaire de ses apports.
- Ce régime protège l’indépendance patrimoniale et convient bien lorsqu’il existe un déséquilibre financier ou un patrimoine préexistant important.
- À la revente, chacun récupère sa part selon ce qui a été acté chez le notaire.
Exemple : si l’un des conjoints finance 80 % du prix et l’autre 20 %, cette répartition est inscrite dans l’acte d’achat et sera respectée lors de la vente.
Communauté universelle : solidarité maximale
Ici, tous les biens sont mis en commun, même ceux acquis avant le mariage ou reçus par donation.
- Avantage : le conjoint survivant est totalement protégé, puisqu’il hérite automatiquement de l’ensemble.
- Limite : l’intégralité du patrimoine commun est exposée aux dettes ou faillites de l’un des conjoints.
Ce régime doit être choisi avec prudence et sous l’accompagnement d’un notaire.
Tableau comparatif des régimes matrimoniaux et impact sur l’achat immobilier
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Régime matrimonial |
Propriété du bien acheté après mariage |
Gestion des dettes liées au logement |
Avantages principaux |
Limites / risques |
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Communauté réduite aux acquêts (par défaut) |
Bien commun, même si un seul conjoint finance |
Les dettes engagent les deux |
Simplicité, protection du conjoint survivant |
Moins de liberté individuelle, patrimoine fusionné |
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Séparation de biens |
Chaque conjoint reste propriétaire selon son apport |
Responsabilité limitée à ses dettes |
Autonomie financière, adapté aux écarts de revenus |
Protection limitée du conjoint survivant, déséquilibre possible |
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Communauté universelle |
Tous les biens (même antérieurs) sont communs |
Les dettes pèsent sur l’ensemble du patrimoine |
Sécurité patrimoniale maximale du conjoint survivant |
Exposition totale aux dettes de l’autre, régime à manier avec précaution |
Acheter à deux quand on est pacsés : quelles options choisir ?
Le PACS ne crée pas automatiquement une communauté de biens. Par défaut, chaque partenaire conserve la propriété de ce qu’il finance, mais il est possible d’opter pour l’indivision afin de partager la propriété selon l’apport de chacun.
Le régime par défaut : la séparation de biens
Sans convention particulière, chaque partenaire reste propriétaire de ses apports.
En cas de PACS, le régime de la séparation de biens s’applique par défaut.
- Chaque partenaire reste propriétaire de la part qu’il finance.
- La répartition doit être inscrite dans l’acte d’achat pour éviter toute ambiguïté.
Exemple : si l’un finance 70 % du prix du logement et l’autre 30 %, cette répartition sera actée chez le notaire et chacun détiendra sa part au prorata.
Opter pour l’indivision : partager la propriété
Les partenaires peuvent choisir d’acheter en indivision.
- Chacun détient une quote-part proportionnelle à son apport.
- Une convention d’indivision permet d’anticiper les modalités de gestion et les cas de séparation.
- Limite : en cas de désaccord, l’indivision peut bloquer la vente puisqu’elle nécessite l’accord des deux.
Comparatif des options en PACS
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Option juridique |
Propriété du bien |
Gestion et responsabilités |
Avantages |
Limites |
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Séparation de biens (par défaut) |
Chaque partenaire reste propriétaire de ses apports |
Répartition précisée dans l’acte d’achat |
Clarté et indépendance patrimoniale |
Moins protecteur pour le partenaire le plus faible financièrement |
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Indivision |
Quote-part au prorata de l’apport |
Convention d’indivision possible pour clarifier la gestion |
Possession commune, souplesse d’organisation |
Blocage en cas de désaccord, pas de protection automatique du survivant |
Concubinage et union libre : comment sécuriser un achat immobilier ?
Acheter à deux sans être marié ni pacsé reste possible, mais il faut anticiper les conséquences. Deux solutions principales existent : l’indivision, la plus fréquente, et la création d’une SCI, plus protectrice, mais plus contraignante.
Tableau comparatif – Indivision vs SCI en concubinage
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Solution |
Propriété du bien |
Protection en cas de décès |
Avantages |
Limites |
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Indivision |
Parts proportionnelles aux apports (acte notarié) |
Aucune protection automatique |
Simplicité, rapidité, coût réduit |
Risque de blocage en cas de désaccord, absence de protection du survivant |
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SCI |
Parts sociales proportionnelles aux apports |
Transmission organisée via statuts, donation ou testament |
Protection accrue, grande souplesse patrimoniale |
Coûts de création et gestion, formalités plus lourdes ; fiscalité spécifique |
L’assurance emprunteur en couple : une protection indispensable
Lors d’un achat immobilier à deux, l’assurance emprunteur est un pilier de sécurité. Elle garantit le remboursement du prêt en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité, et évite de laisser le partenaire survivant seul face à la dette.
Pourquoi assurer chaque co-emprunteur ?
La banque exige une couverture minimale, mais renforcer cette protection est souvent judicieux.
- Obligation : couverture 100 % minimum du capital emprunté (par exemple 50/50).
- Option sécurisante : aller jusqu’à 200 % (100 % chacun).
Exemple : pour un prêt de 200 000 €, si l’un des deux décède, l’assurance solde la totalité du crédit, libérant ainsi le survivant de toute dette.
Comment répartir les quotités d’assurance ?
La répartition doit refléter la réalité financière du couple et sa stratégie de protection.
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Répartition des quotités |
Situation type |
Avantages |
Limites |
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50/50 |
Revenus équivalents |
Équité, simplicité |
Moins protecteur si l’un gagne beaucoup plus que l’autre |
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70/30 |
Revenus déséquilibrés |
Protection adaptée au plus gros revenu ; équilibre financier |
Le survivant peu assuré peut rester exposé |
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100/0 |
Un seul revenu dans le couple |
Réalisme économique (celui qui finance est couvert) |
Le co-emprunteur non couvert ne protège pas le survivant |
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100/100 (200 %) |
Protection maximale |
Sécurité totale : en cas de décès de l’un, la totalité du prêt est soldée |
Cotisations plus élevées |
À retenir : une couverture renforcée coûte plus cher, mais elle sécurise le projet immobilier et évite des situations financières dramatiques.
Ajouter ou retirer un co-emprunteur : quelles démarches ?
La vie d’un couple évolue et avec elle, les projets immobiliers. Il est possible d’ajouter un co-emprunteur en cours de prêt, mais aussi de se désolidariser en cas de séparation. Ces démarches nécessitent toutefois l’accord de la banque et entraînent souvent des frais.
Ajouter un co-emprunteur en cours de prêt
Mariage, pacs ou nouveau projet commun peuvent justifier l’ajout d’un co-emprunteur au contrat initial.
- La procédure passe par une demande auprès de la banque et l’établissement d’un avenant au contrat de prêt.
- Des frais de dossier sont généralement facturés entre 200 et 500 € en moyenne.
- L’ajout d’un co-emprunteur permet de partager la responsabilité du crédit, mais aussi de rassurer la banque en augmentant la capacité de remboursement globale.
Se désolidariser après une séparation
Lors d’une rupture, il est indispensable de clarifier qui assume le prêt. Plusieurs solutions existent :
- Rachat de soulte : l’un rachète la part de l’autre, en compensant la valeur de sa quote-part.
- Vente du bien : permet de solder le crédit et de partager le produit de la vente.
- Refinancement : possibilité de renégocier un prêt à son seul nom, sous réserve de solvabilité.
Exemple : un bien acheté 250 000 € à 50/50 implique une soulte de 125 000 € si l’un des conjoints souhaite conserver le logement.
Dans tous les cas, la banque exige de vérifier la solvabilité du co-emprunteur restant avant d’accepter la désolidarisation.
Conseils pratiques pour choisir la solution la plus adaptée à votre couple
Acheter à deux ne se résume pas à additionner ses revenus : c’est un véritable projet patrimonial qui engage votre avenir commun. Pour sécuriser votre achat et éviter les mauvaises surprises, quelques bonnes pratiques s’imposent.
Anticipez votre projet de vie (séparation, décès, héritage)
Acheter ensemble implique de se projeter sur le long terme. La transparence financière entre partenaires est essentielle : chacun doit connaître les apports, les responsabilités et les risques liés au prêt.
- En cas de séparation : prévoir à l’avance les modalités de partage ou de rachat de parts peut éviter des blocages coûteux.
- En cas de décès : penser à la répartition des droits de propriété et à la couverture par l’assurance emprunteur garantit la stabilité du conjoint survivant.
- En cas d’héritage : certaines clauses notariées ou la création d’une SCI peuvent éviter que les héritiers bloquent la jouissance du bien.
En anticipant les aléas de la vie, le couple transforme son projet immobilier en un investissement serein plutôt qu’en une source de conflits.
Faites-vous accompagner par un notaire ou un courtier
Acheter en couple non-marié implique des choix juridiques et financiers complexes. Le notaire sécurise la répartition et la transmission du bien tandis que le courtier optimise les conditions de financement. Deux alliés précieux pour éviter erreurs et mauvaises surprises.
- Le notaire est l’interlocuteur incontournable pour sécuriser la structure juridique de l’achat. Il conseille sur le choix du régime matrimonial, la rédaction d’une convention d’indivision ou la mise en place de clauses protectrices adaptées à la situation du couple.
- Le courtier est le partenaire idéal pour optimiser le financement. Grâce à son expertise, il compare les offres, négocie les taux, ajuste l’assurance emprunteur et peut réduire sensiblement le coût global du crédit.
S’entourer de professionnels permet d’éviter les erreurs coûteuses et garantir que votre achat à deux reste un tremplin patrimonial, et non un piège financier.
Tableau récapitulatif : acheter à deux selon votre situation
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Situation |
Options juridiques / financières |
Propriété du bien |
Protection en cas de décès |
Avantages |
Limites / points de vigilance |
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Mariage – Communauté réduite aux acquêts (par défaut) |
Tous les biens acquis après le mariage sont communs |
Bien commun, même si financé par un seul |
Protection renforcée du conjoint survivant |
Simplicité, cadre automatique |
Moins de liberté individuelle |
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Mariage – Séparation de biens |
Chaque conjoint reste propriétaire de ce qu’il finance |
Répartition au prorata des apports |
Protection limitée du survivant |
Préserve l’indépendance patrimoniale, Adapté aux écarts de revenus |
Risque de déséquilibre patrimonial |
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Mariage – Communauté universelle |
Tous les biens (même antérieurs) sont communs |
Bien commun intégral |
Sécurité maximale du conjoint survivant |
Solidarité totale |
Patrimoine exposé aux dettes de l’autre, A encadrer par notaire |
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PACS – Séparation de biens (par défaut) |
Chaque partenaire garde ses apports |
Quote-part selon financement |
Protection limitée du survivant |
Clarté et indépendance patrimoniale |
Pas de sécurisation automatique du conjoint |
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PACS – Indivision |
Quote-part fixée selon apports et précisée par acte |
Copropriété au prorata des apports |
Protection faible sauf convention d’indivision |
Souplesse, possibilité de convention d’indivision |
Blocage possible en cas de désaccord |
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Concubinage – Indivision |
Quote-part proportionnelle aux apports |
Copropriété simple |
Aucune protection automatique |
Simplicité et coût réduit |
Risque de blocage et absence de protection du survivant |
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Concubinage – SCI |
Parts sociales proportionnelles aux apports |
Parts sociales |
Transmission organisée via statuts ou donation |
Souplesse patrimoniale, Meilleure protection |
Formalisme lourd, Coûts et fiscalité |
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Assurance emprunteur |
Quotité 50/50, 70/30, 100/0 ou 200 % |
Capital couvert selon répartition choisie |
Prise en charge partielle ou totale par l’assureur |
Sécurise le projet et protège le survivant |
Cotisation plus élevée si couverture renforcée |
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Gestion du prêt |
Ajout ou retrait d’un co-emprunteur, Rachat de soulte, Vente |
Dépend de la solution retenue |
Variable selon les cas |
Permet d’adapter le prêt à l’évolution du couple |
Procédures lourdes, frais (200 à 500 € pour avenant, etc.) |
